Témoignage de Vicky Corriveau

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Témoignage de Vicky Corriveau

Il y a plusieurs options, autres que la reconstruction mammaire, pour accepter son corps à la suite d’une mastectomie. On ne parle pourtant jamais du tatouage. C’est pourtant très thérapeutique, mais ça demeure encore très méconnu. Sur les réseaux sociaux, on voit souvent des affaires aberrantes… Pourtant, ça peut être magnifique et être d’une grande aide pour s’accepter comme on est à la suite d’un cancer du sein.  

Après ma mastectomie, ma reconstruction et le retrait de mes prothèses, j’ai eu des déformations et plusieurs cicatrices. Je n’arrive presque pas à expliquer comment le tatouage a pu m’aider. Je souhaiterais qu’il puisse être beaucoup plus accessible, davantage connu et qu’on en parle davantage comme une option à la suite d’un cancer du sein et les conséquences que cela laisse sur le corps. Ce n’est certainement pas une option pour toutes les personnes diagnostiquées, mais c’est dommage que ça demeure autant inconnu du public.

J’ai reçu mon diagnostic de cancer du sein en 2012, j’avais alors 36 ans. J’avais accouché de mon 3ème bébé un an auparavant et j’étais de retour au travail comme infirmière. À l’époque, j’avais mal à l’épaule droite et je me sentais plus ou moins bien, j’étais traitée en physiothérapie. Je venais aussi de déménager dans une nouvelle maison, j’étais très fatiguée et je me disais que l’accumulation de tout ça me causait un épuisement « normal ». Un jour, j’ai découvert une masse dans mon sein en me grattant, pour ensuite découvrir de gros ganglions à l’aisselle. 

Après une mammographie d’urgence, on me rassura en précisant que la masse était d’apparence kystique. Mon sein est devenu de plus en plus douloureux, et s’est mis à couler. Pour être confortable, je devais dormir avec un oreiller sur la poitrine. Je devais même l’apporter en voiture pour supporter les trajets! Deux mois se sont écoulés avant d’avoir mon rendez-vous pour une échographie. Je pensais qu’on allait faire une biopsie puis aspirer le kyste, mais au final on laissa la masse en place et on inséra un capteur à l’intérieur. J’ai su immédiatement que quelque chose de plus grave venait d’être décelé…  

Je devais avoir des nouvelles 4 à 6 semaines plus tard, mais le vendredi suivant, ils me donnaient un rendez-vous pour me communiquer mes résultats : c’était un carcinome canalaire infiltrant agressif. À l’annonce du diagnostic, mes jambes ont flanché et tout semblait s’écrouler autour de moi. 

Ça a été plutôt vite à partir de ce moment-là : plus ou moins seize jours plus tard, j’étais opérée. Je ne voulais pas faire de chimiothérapie avant l’opération. Je voulais qu’on retire tout, tout de suite. Étant infirmière, j’ai souvent vu des récidives et ça me faisait peur. On n’offre pas cette option d’emblée dans notre système de santé. La trajectoire plus préconisée, c’est de donner de la chimiothérapie pour faire fondre la masse et enlever la partie du sein affectée. Pour moi, il n’en était pas question. J’ai donc subi une mastectomie totale droite, avec retrait du ganglion sentinelle pour l’analyse. On a décrété à ce moment que mon cancer était de stade 2 parce que les ganglions n’étaient pas affectés.  

Après l’opération, j’ai eu de la chimiothérapie. J’ai commencé mes traitements 4 semaines après et j’en avais aux 4 semaines. J’ai trouvé ça extrêmement difficile, car dès que je commençais à mieux me sentir, environ 3 semaines plus tard, il fallait recommencer. Perdre mes cheveux a été très difficile, ainsi que mes cils, sourcils…  Bref, tous les poils de mon corps, car je ne pouvais pas cacher que j’étais atteinte d’un cancer.  

Mes enfants avaient 13 ans, 5 ans et 1 an lorsque j’ai appris mon diagnostic. J’ai manqué plusieurs étapes du développement de ma plus petite, à cause de la maladie et des traitements.  

Pour mes enfants, c’était très difficile. Surtout pour mon garçon, qui était mon bébé « velcro ». Ma plus vieille, elle, s’échappait dans le dessin. Heureusement, j’ai été chanceuse, car ma grand-mère est venue vivre avec nous pendant 6 mois, mon père et ma marraine ont été très présents eux aussi et m’ont beaucoup soutenu. Ma maman était là également, mais elle n’était pas assez en forme pour m’aider autant qu’elle aurait souhaité.  

Après un cancer, qui est une immense épreuve : on change pour toujours et à jamais. Après tout ça, je me rends compte que je ne suis pas revenue aussi énergique et concentrée qu’avant… La maladie crée des dommages un peu partout dans le corps, qui restent même après la fin des traitements.  

Pendant les traitements ce fut un calvaire: mon corps a été profondément affaibli. J’ai dû être hospitalisée pour le 1er et le dernier traitement. Mon système immunitaire s’est écroulé et j’ai fait de la fièvre. J’avais aussi toutes mes muqueuses qui brûlaient : vulve, narines, yeux… J’ai eu beaucoup de nausées, mais sans vomir.  

Je ne suis pas porteuse du gène, j’ai été testée.  

J’ai eu une reconstruction avec prothèses mammaires texturées, environ un an et demi après ma mastectomie. Je travaillais avec des chirurgiens plasticiens de Québec, en qui j’avais confiance, et c’est ce qui m’a décidé à le faire. J’avais des petits seins donc il a fallu me faire une augmentation mammaire d’un côté et une reconstruction de l’autre. 

Après l’opération, j’avais un sein trop bas par rapport à l’autre : on m’a donc fait un redrapage. On s’est rendu compte que ma prothèse avait bougé, elle était tournée. On présume que ça s’est passé quand je massais ma cicatrice.  

J’ai été réopérée, et j’étais satisfaite. Il restait seulement à faire le lambeau pour la reconstruction du mamelon. J’ai finalement reçu, comme plusieurs d’entre-nous, une lettre du Ministère de la Santé qui m’avisait qu’il y avait un problème sur les prothèses texturées et qu’il était préférable de voir mon chirurgien plastique pour valider les options qui s’offraient à moi. J’étais tannée. J’en pouvais plus des opérations. 

Depuis ma dernière opération, mon système immunitaire avait été très affaibli. J’ai dû me mettre en arrêt de travail à nouveau. J’avais des nodules au niveau des doigts, j’ai développé le lupus, le syndrome de Raynaud et le syndrome de Sjögren…Mes prises de sang révélaient aussi des anomalies immunosuppression variable.  

Tout ça pour dire que lorsque la chirurgienne m’a dit qu’il fallait retirer les prothèses pour en mettre des nouvelles, j’ai refusé. J’ai dit : « Tu m’enlèves tout ça. ». Je ne voulais plus de problème, ce dont j’avais l’impression que n’avoir depuis cette reconstruction. De plus, j’avais peur de perdre mon emploi à force d’être en arrêt de travail. 

Témoignage de Vicky Corriveau

J’ai donc catégoriquement opté pour une mastectomie bilatérale. Je m’imaginais juste avoir le thorax plat, mais j’ai eu un vrai choc au réveil de l’opération.

J’étais pleine de cicatrices, de déformations et de creux sur mon thorax. Le chirurgien, avec ce type de prothèses, devait enlever quelques centimètres sur tout le pourtour, pour écarter tout risque de complications. On ne m’a pas avisée que je serais déformée. Pour faire une image simple : je portais une camisole et elle twistait sur elle-même tellement c’était creux.  

Ce qu’on offre aux femmes comme choix est assez réduit : prothèses mammaires externes, reconstruction ou choix de ne pas reconstruire. 

On ne parle jamais du tatouage qui me semblait une avenue intéressante à explorer. Je tentais d’effectuer des recherches, de chercher des références. Je regardais sur les réseaux sociaux. Souvent, ce qu’on voit ce n’est pas beau. Je pense qu’il faut trouver un artiste avec qui ça connecte, pas juste un tatoueur random. Dans mon cas, les recherches ont duré plusieurs années, jusqu’à ce que je tombe sur la perle rare. Pour moi, c’était un processus de guérison et ça m’a permis de boucler la boucle.  

Tatoutage de Vicky Corriveau

Chacun des symboles a été choisi et a une véritable signification pour moi. Ma tatoueuse a pris la peine de me comprendre, de m’écouter et de traduire en dessin la vision exacte que j’en avais. Sur mon thorax, la femme me représente en larme, anéantie par la peur du cancer et de la mort. Le loup qui hurle représente ma famille, mes enfants, eux aussi anéantis par la peur.  L’ours signifie la force intérieure qui est souvent enfouie au plus profond de nous face au combat de sa vie. Les chardons à travers les coquelicots représentent le cancer, le mal, la mort possible. Les coquelicots n’ont pas été choisis par hasard, je voulais qu’ils représentent toutes ses femmes décédées du cancer du sein, et bien évidemment qu’ils aient la couleur roses va avec la couleur emblématique du ruban pour le cancer du sein. La corneille sur mon épaule droite représente la loi humaine, pour qui dans mon cas, a été favorable à ma survie, c’est pourquoi on la voit tenter de déraciner les chardons. Et sur mon bras droit on y voit une combattante et tous ces animaux en mode attaque, car ma famille a combattu à mes côtés, j’ai moi-même combattu de toutes mes forces cette épreuve, j’ai réalisé que j’étais bien plus forte que je l’aurais cru et que la vie m’a offert la chance de continuer à vivre. Voilà mon histoire à moi! 

Se faire tatouer sur la poitrine à un endroit déjà malmené, c’est sûr que c’est sensible, mais après la chirurgie j’avais perdu plusieurs connexions sensitives. Ça me donnait comme une sensation d’engourdissement, qui rendait la zone de mon thorax difficile à toucher (une sensation étrange et désagréable), me donnant comme des sensations de nausées. C’était impossible de me toucher longuement, ou que quelqu’un me touche sur cette partie du corps. 

Le tatouage m’a entièrement fait perdre cette sensation désagréable.  C’est comme si la zone sensible s’était réveillée et était redevenue normale.  Ma tatoueuse n’a pas pu m’expliquer ce phénomène, mais je crois qu’à cause de la stimulation douloureuse par les aiguilles, cela a tout simplement réveillé à nouveau mes sens. Ce fut extrêmement positif pour moi. Je me dis que lorsqu’on est prêt mentalement : tout fait beaucoup moins mal, car le processus reste thérapeutique. 

Il est tout de même très important d’éviter de trop longues séances (maximum de 3 heures, car cela peut créer un processus inflammatoire donnant de la fièvre et des malaises…). Un tatoueur expérimenté vous le confirmera, il est donc important d’en choisir un bon.  

Le tatouage se réalise par petites étapes, il ne faut pas croire que ça se fait en une journée… Tout dépendra de votre projet évidemment. Pour ma part, j’ai eu 3 séances d’approbation du dessin et 4 séances de tatouage pour un total d’environ 13 heures. Il y a une rencontre pour approuver ce que l’artiste a créé comme dessin pour nous. Et il y a des séances de tatouage en soi. À mes yeux, c’est du temps et un investissement qui n’a pas de prix, car je me sens guérie, libre et bien dans ma peau. Ma tatoueuse a été si patiente avec moi, car je changeais souvent d’idées, mais elle faisait des retouches aux dessins comme à ma demande. J’ai vraiment senti que mon projet lui tenait à cœur. Et ça s’est essentiel… Il faut un lien de confiance… 

J’aimerais tellement qu’il existe une plateforme sur laquelle les femmes pourraient obtenir des références d’artistes tatoueurs pour ce type de projets. Ce n’est pas vrai que tout le monde s’accepte tel qu’elle est après une mastectomie totale, et que tout le monde désire une reconstruction. Il y a plusieurs femmes qui souffrent en silence comme cela m’est arrivé avant mon tatouage.  

J’ai été en quête d’une solution pendant des années. Je n’étais pas capable d’enlever ma camisole pour faire l’amour. Je ne pouvais pas supporter de me voir dans un miroir, alors encore moins qu’on me regarde. Moi, j’ai fini par combler ce mal d’être, cette honte avec le tatouage. Il a tout simplement transformé ma vie qu’en du positif, alors si vous pensez que cela pourrait être la bonne solution pour vous, n’hésitez pas, et faites-le. Si l’une d’entre vous souhaite discuter de mon processus en lien avec mon tatouage, n’hésitez pas à m’écrire. 

Je tiens, par le fait même, à remercier ma très extraordinaire artiste tatoueuse, Roseline Lortie de chez Atomik Tattoo, à Québec.  

Si vous vivez des doutes ou des questions en lien avec le cancer du sein avant, pendant ou après le diagnostic ou les traitements,
appelez-nous au 1-855-561-ROSE afin qu’un membre de notre équipe puisse vous guider et vous répondre de manière confidentielle.

Nous sommes là pour vous.