Je m’appelle Sophie, et j’ai eu 42 ans en juin. J’ai reçu mon diagnostic de cancer BRCA2 stade 3 il y a un an, en juin 2021.
Je suis encore en traitement, je fais de la chimio préventive en prenant des médicaments. Au moment de la découverte de mon cancer du sein, je n’avais aucuns symptômes. Je savais qu’il y a un gros historique de cancer en général dans ma famille, dont des cas de cancer du sein. Le cousin de ma mère en a eu un.
Je demandais à faire un test génétique depuis plusieurs années, mais mon médecin ne voulait pas.
Un jour, en faisant l’observation de mes seins, j’ai senti une bosse. On m’a fait une échographie, suivie d’une biopsie. Le diagnostic est tombé : c’était un cancer du sein stade 3. Enfin, j’ai finalement eu accès à mon test génétique…
La première chose que je me suis dit en entendant le diagnostic c’est : je ne veux pas mourir. Je me doutais qu’éventuellement je passerais par la maladie : il y en avait trop dans ma famille pour que je sois épargnée.
J’avais du soutien. En plus, mon parrain est un survivant du cancer de la gorge, alors il connaissait le sentiment que j’étais en train de vivre. Il m’a dit : « Tu vas voir, c’est là le pire moment de ton cheminement. Après tu vas trouver ta zone de confort. ». Il avait raison.
J’ai eu énormément de support de ma famille, mais aussi de mes collègues de travail. Ils ne m’ont jamais abandonné. Je travaille dans le département d’expédition d’une compagnie de pièces automobile. Mes collègues ont fait des levées de dons pour moi. Après un an, j’aurais pensé que leur support et leur implication se seraient essoufflés, mais non : ils prennent toujours des nouvelles, ils sont encore présents. Je retournerai probablement travailler en janvier prochain.
En novembre on m’enlèvera les ovaires et les trompes. Comme j’ai un cancer associé à la mutation génétique du gène BRCA2, c’est par prévention. Il s’agit d’une chirurgie d’une journée.
Pour mon cancer, la prise en charge a été très rapide : j’ai reçu mon diagnostic et une semaine plus tard je commençais mes traitements. Au total, j’ai eu 16 séances de chimiothérapie à raison d’une par semaine, de 2 sortes différentes. On m’a aussi fait une mastectomie totale bilatérale en raison de mon code génétique. Par mesure de prévention, on m’a enlevé les deux seins. J’ai choisi une reconstruction à plat (je pense que oui, on peut être belle et féminine, même sans seins). Ensuite, j’ai eu 25 traitements de radiothérapie.
Quand mon médecin a accepté que je fasse le test génétique ce n’était plus pour moi, puisque j’avais déjà le cancer…Mais je l’ai fait pour mes frères et ma sœur. Étant porteuse du gène BRCA2, mes deux frères et ma sœur jumelle ont eu le devoir de faire leur test génétique eux aussi. Ma sœur était positive, et a dû faire une mastectomie préventive. Elle aura aussi une ovariectomie. Mon frère aîné a fait le test et heureusement, c’était négatif. Mon autre frère a choisi, pour le moment, de ne pas faire le test. Pas de cancer du sein du coté de mes frères pour le moment, donc, espérons que ça ne change pas !
J’étais suivie à l’hôpital Maisonneuve Rosemont. Ce sont tellement de gentilles personnes, mais tu as intérêt à suivre ton dossier de très près. Ce n’est pas de la mauvaise volonté de leur part, mais ils ont tellement de patients : il a fallu que je prenne mon suivi moi-même en mains.
J’ai aussi reçu un soutien immense de mon amoureux. Il a été et est toujours mon rayon de soleil. C’est lui qui me ramène au moment présent, quand j’ai tendance à trop me projeter. Il me rappelle que, là, pour l’instant, tout va bien, et qu’on est ensemble dans tout ça.
La perte des cheveux, j’ai trouvé ça tellement difficile. Les gens disent des choses pour t’encourager comme : « C’est juste des cheveux, ça va repousser… c’est juste de l’apparence. ». Mais c’est beaucoup plus profond que ça, en tout cas pour moi. Pour certaines personnes comme moi, ma personnalité passait beaucoup par mes cheveux, je les avais même teints en rose. C’est un moyen d’expression.
Quand ils sont tombés, je l’ai vécu comme la perte d’une part de mon identité : j’ai dû apprendre à m’exprimer autrement. Avant j’avais des rallonges et je m’amusai beaucoup avec ça. Les gens disaient parfois : « Sa vie, c’est ses cheveux.». Quand je n’en ai plus eu, j’ai assumé à fond : pas de foulards, pas de perruques. Je pense qu’on n’a pas à être gênée d’être malade.
Une fois, une madame que je ne connaissais pas m’a arrêtée dans un magasin et m’a dit : « Ça vous ferait mieux avec une perruque. ». C’est ok d’en porter une si ça vous tente, mais pas pour mettre les autres confortables !
La chimiothérapie, j’ai trouvé ça tough. J’ai pourtant été chanceuse : je n’ai pas subi de gros effets secondaires. J’étais juste fatiguée, et j’avais mal aux os : j’avais des douleurs de base après de tels traitements. Je n’ai pas eu de sécheresse de la peau et je n’ai pas vomi, par exemple. Les pilules de chimiothérapie ne m’ont pas donné autres choses que de la fatigue : ce qui est inévitable avec une maladie comme ça. Aussi, la radiothérapie ne m’a pas brulé et n’a pas laissé de traces sur ma poitrine.
Je pense qu’il faut accepter la fatigue, la peur, et essayer de s’adapter au mieux. Il faut apprendre à fonctionner avec la maladie et ses conséquences. Il faut faire de celles-ci des « alliées » et non des ennemies. Je me disais : « Si je mourais demain, ai-je envie de vivre mes dernières années dans la peur et la tristesse? Non. ». Ça me motivait à mieux gérer mes différentes émotions.
Quand j’ai été diagnostiquée, je cherchais pleins de témoignage pour me donner de l’espoir. Évidemment, tu es confrontée toutes sortes d’histoires, dont certaines dramatiques. Il y en a beaucoup qui meurent. Moi, j’en cherchais qui ont survécu : je cherchais des femmes en rémission. Je trouve que plus il y a de témoignages accessibles, plus il y a de chances que des femmes diagnostiquées en trouvent qui vont les rejoindre, les toucher et les ramener à leur histoire à elles.
Si j’avais un conseil à donner à une personne qui reçois un diagnostic de cancer du sein, ce serait : « Achète-toi un agenda, tu en auras besoin. ». Mais je lui dirais aussi : « Étonnamment, le parcours ne sera pas que tristesse et peur, tu vas vivre des joies et tu vas voir, tu vas réussir à trouver ton équilibre dans tout ça. »