J’ai eu mon diagnostic de cancer du sein à l’âge de 38 ans.
À l’époque j’avais une bosse sous le bras, sous l’aisselle. J’avais eu une labyrinthite alors je pensais qu’il y avait peut-être un lien avec ça. Je ne me suis jamais douté que ça pouvait être un cancer. C’était très petit et sous l’aisselle. C’est un vrai coup du destin de l’avoir détecté. Je ne suis pas très rigoureuse dans la vie, alors l’observation des seins je la faisais, mais toujours un peu aléatoirement. Comme personne dans ma famille n’avait eu de cancer du sein, je ne me considérais pas vraiment à risques.
À la clinique familiale de l’hôpital Maisonneuve Rosemont, la résidente a par contre tout de suite fait le lien. Elle m’a donc envoyé passer d’autres tests. C’était tout juste avant Noel : j’ai passé une mammographie, une échographie et finalement une biopsie. Ensuite, tous les établissements ont fermé pour quelques jours. C’était dur, j’ai passé un temps des Fêtes terrible avec mon chum et mes deux enfants. À l’époque, ma fille avait 3 ans et mon garçon, 7 ans. Je me souviens que je regardais ma fille en me disant :
« Si je meurs bientôt, il se pourrait qu’elle ne se rappelle plus de moi ».
Quelques jours plus tard, j’ai eu un rendez-vous avec mon oncologue qui m’a annoncé que mon cancer était hormonodépendant (HER-2 positif). Plus en détails, la masse était de 1 cm à peine : on m’a dit que c’était comme un nuage avec des pierres à l’intérieur. C’était un cancer de stade 2.
Mon conjoint était avec moi quand je l’ai appris : on a pleuré ensemble. Il y a quelques années, il y avait eu une pub à la télévision qui comparait l’annonce d’un cancer à un upperkut en pleine face. C’est tout à fait ce que j’ai ressenti.
Quand on l’a annoncé à nos enfants, on était tous les quatre collés dans le lit, et on faisait un sandwich familial (les parents « pain » de chaque côté et les enfants « jambon et fromage » au centre). C’est là que je leur ai dit : « Maman est malade, mais ça va être correct, tout va être beau. ». Mon fils a été marqué, je me souviens qu’il m’a demandé si j’allais mourir.
On m’a traitée avec de l’Herceptin. Au total, j’ai eu 6 traitements de chimiothérapie.
Avec de jeunes enfants c’était vraiment difficile, mais mon conjoint et mes beaux-parents s’occupaient d’eux et je passais 2 jours chez mes parents après chaque traitement. Ça me permettait de reprendre des forces. Quand mes cheveux sont tombés, ma fille voulait absolument que je porte une perruque, alors que mon fils ne voulait pas parce que ça me changeait trop et il ne me reconnaissait pas.
C’est difficile avoir un cancer quand on est jeune, mais le positif c’est qu’on est quand même assez en forme pour vivre les effets secondaires de la chimiothérapie.
La première chimio, je l’ai trouvée difficile : c’était l’inconnu, je ne savais pas à quoi m’attendre. Mais rapidement je me suis trouvée des trucs. Par exemple, je prenais mon médicament avant d’avoir mal, je mangeais plus léger lorsque les traitements étaient proches. Ça marchait : les cinq traitements suivants étaient de plus en plus faciles.
Je n’aurais jamais pu imaginer pouvoir rester si active. J’avais arrêté de travailler, mais je faisais tout de même ma vie. J’avais un traitement aux 21 jours et quelques jours après mon traitement, je pouvais reprendre la course.
J’avais une amie qui avait eu un cancer 2 ou 3 ans avant moi et je me souviens qu’elle m’avait dit : «Tu vas voir dans tout le négatif, il y aura aussi du positif. Toutes les journées ne seront pas désagréables et tristes. »
C’est aussi l’un des avantages d’avoir de jeunes enfants : tu n’as pas temps de t’apitoyer sur ton sort, ils te font voir le beau côté de la vie. Mais il y a aussi eu toutes les petites contrariétés, les contrecoups auxquels on ne s’attend pas, suite à des petits évènements du quotidien. Il y a un côté lourd à tout ce parcours, mais à la fin, tu te sens plus forte que jamais, et il n’y a plus rien à ton épreuve.
J’ai eu une mastectomie totale d’un côté. C’était supposé être une tumorectomie, mais à la dernière minute à l’échographie, les médecins ont vu qu’il restait comme une constellation dans le sein, donc ils ont préféré tout enlever pour ne pas prendre de risques. Je n’ai pas trouvé ça drôle sur le coup. Ils m’ont bien sûr laissé le choix, mais ça n’aurait pas été sécuritaire pour moi de seulement enlever la tumeur.
Pendant la chimiothérapie et la radiothérapie, on dirait que même si on ne sait pas le résultat, si on reste proactif : on a l’impression qu’on va s’en sortir. C’était mon cas, et c’est le « après » que j’ai trouvé plus difficile. Pendant la maladie et les traitements, on se bat pour s’en sortir, mais après il ne reste plus qu’à espérer de pas avoir de récidive.
J’avais la chance d’habiter tout près de l’hôpital : parfois j’allais même à pied à mes rendez-vous de radiothérapie. J’ai eu recours aux services de soutien psychologique à l’hôpital Maisonneuve Rosemont et ça a été ma meilleure décision. La psychologue était spécialisée en oncologie, et ça a fait toute la différence : elle savait ce par quoi je passais, les statistiques, le processus, etc. Ce serait mon conseil pour les personnes vivant la même chose que moi : aller consulter. Je l’ai vu quatre, ou cinq fois si je me rappelle bien. Par la suite, j’ai eu le sentiment que je n’avais plus grand-chose à raconter : j’allais mieux. J’ai donc cessé d’y aller.
Dans mon cas ça fait 5 ans, alors techniquement, je suis en rémission. Malgré que le temps ait passé, j’ai quand même mal au ventre chaque fois que je vois mon médecin à l’hôpital pour mon suivi annuel. Dès que j’ai une douleur quelque part, je me demande toujours si le cancer est en train de revenir. Mais le temps fait que la peur de la récidive s’estompe tranquillement… Je continue à prendre mon Tamoxifen chaque jour pour bloquer mes récepteurs d’hormones. C’est comme mon filet de sécurité. Je me sens proactive.
Je ne suis plus menstruée depuis que je le prends. J’ai arrêté pendant un an, pour essayer de tomber enceinte mais cela n’a pas fonctionné. Je le reprends depuis, et je commence à avoir des bouffées de chaleur : je suis comme une jeune ménopausée.
Tout ce processus là nous a amené mon chum et moi à réfléchir. Il y avait mon médecin, pas trop délicat, qui m’avait dit : « Quand tu as un cancer à 38 ans, tu peux être pas mal sûre que tu ne feras pas de vieux os ». Ça n’est pas tombée dans l’oreille d’une sourde. C’est bien beau le REER, mais pas si on n’est pas là pour en profiter. On a donc décidé de partir pendant 7 mois en voyage. On a fait le tour de l’Asie avec les enfants, 2 ans après la fin de mes traitements. Comme je suis enseignante, c’est moi qui leur faisais l’école pendant la durée du voyage. On a tous adoré ça.
On a eu tellement de fun qu’au diable les REER, on repart l’an prochain, en février, cette fois en Amérique du Sud. Finalement, mon histoire, elle est plutôt belle au fond.
Témoignage recueilli par téléphone le 11 mai 2022 par Martine Côté