Témoignage de Kelly La Frenière

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Kelly La Frenière

dont la mère a été atteinte d’un cancer du sein à 43 ans

En décembre 2019, ma mère a été diagnostiquée d’un cancer du sein de stade 2. 

Un peu plus tôt cette année-là, durant l’été, elle avait remarqué des sensations différentes au niveau d’un de ses seins en prenant sa douche. Une sorte de bosse qui, au fil des semaines, grossissait progressivement. À ce moment, elle avait voulu consulter pour se faire examiner, mais ça faisait près d’une dizaine d’années qu’elle était sur la liste d’attente pour avoir un médecin de famille et elle craignait de ne pas obtenir de suivi en allant dans une clinique sans rendez-vous. En septembre, un bel adon a fait en sorte qu’elle s’est fait attribuer Dre Théoret. Celle-ci n’a pas hésité à lui donner une requête afin d’investiguer davantage et de faire des tests. Échographie, mammographie, biopsie… S’en est suivi l’attente des résultats. Dans les faits, elle n’a pas été très longue. Mais pour nous, ça nous a semblé interminable.

Même avant l’annonce officielle du diagnostic, ma mère était convaincue d’avoir un cancer du sein. Elle le pressentait. Et comme elle avait eu l’opportunité de voir un médecin rapidement après l’apparition de sa bosse, elle se disait que le cancer serait possiblement à un stade peu avancé. Le jour J, Jonathan – son conjoint – était présent à ses côtés. Je me souviens qu’elle m’ait raconté que son médecin était plus bouleversée qu’elle durant le rendez-vous, parce que c’était la première fois qu’elle devait apprendre une mauvaise nouvelle à une patiente. Après cette rencontre, ma mère est restée optimiste et n’a jamais perçu son diagnostic comme une fatalité. Elle n’a jamais senti que c’était une injustice non plus, elle savait au fond d’elle-même qu’elle réussirait à en guérir.

En mars 2020, elle a eu une tumorectomie ainsi que le retrait de deux ganglions au niveau de l’aisselle droite, suffisant à retirer l’entièreté de ses cellules cancéreuses. Considérant son jeune âge, ses médecins lui ont fait un plan de traitements en trois temps à titre préventif, afin d’éviter que le cancer du sein ne revienne. Chimiothérapie, radiothérapie et hormonothérapie. Ma mère a fait des traitements de chimiothérapie durant environ trois mois, avant d’arrêter parce que les effets secondaires étaient trop incommodants. Ses mains ainsi que ses pieds étaient engourdis 24/7, un goût métallique était omniprésent dans sa bouche et son corps était parcouru de douleurs musculaires généralisées. Ces traitements ont également provoqué sa ménopause, faisant en sorte qu’elle devait également vivre avec les désagréments de cette dernière, notamment avec des bouffées de chaleur récurrentes et persistantes. Durant cette période, elle a aussi subi une transformation physique. Pour éviter le choc de perdre ses cheveux par grosses poignées, des survivantes du cancer du sein lui avaient conseillé de se raser la tête avant de commencer la chimiothérapie. Malgré cela, elle a tout de même dû affronter le moment où ses cils et ses sourcils sont tombés. Je crois que c’est là qu’elle s’est dit pour ma première fois, « Je suis réellement malade ».  

À la fin du mois d’août 2020, les traitements de radiothérapie ont commencé. Contrairement à beaucoup de personnes combattant un cancer du sein, ma mère n’a pas eu à faire de longues distances pour se rendre à ses rendez-vous quotidiens. L’hôpital était à sensiblement cinq à dix minutes en voiture. Lors d’épreuves comme celles-ci, on essaye de se rattacher aux moindres petits éléments positifs. Considérant qu’elle ne pouvait être accompagnée par ses proches durant ses traitements, merci à la pandémie, j’étais soulagée que cette charge mentale supplémentaire lui soit épargnée. Néanmoins, la radiothérapie n’en était pas moins forte et exigeante. Au fil des jours, la peau de ma mère s’est amincie autour de la zone radiée et des lésions sont apparues sous son sein. Pour être franche, je ne me souviens pas beaucoup de cette étape… Quelque temps après avoir terminé les traitements de radiothérapie, ceux d’hormonothérapie ont débuté. Ils ont duré un an, une année particulièrement difficile. En prenant ces pilules, ma mère avait l’impression d’hypothéquer une partie de sa vie. Les effets secondaires étaient féroces, au point qu’elle ne pouvait plus jouir du quotidien. À ce moment, elle découvrait également qu’elle souffrait d’un problème cardiaque et que certaines de ses articulations étaient grugées par l’arthrite, ce qui n’améliorait aucunement son mal-être physique. En bref, sa santé dégringolait. Ç’a été une période de remise en doute, à savoir si l’hormonothérapie valait véritablement la peine de réduire sa qualité de vie durant cinq ans, voire dix ans. Après une longue période de réflexion, sa réponse a été non. Et aujourd’hui, je peux dire que sa santé s’améliore encore de jour en jour.

La vision positive de ma mère à travers tout son cheminement a été contagieuse à la maison, on ne pouvait qu’être positifs nous aussi. En y repensant, les personnes qui ont pris sa maladie le plus difficilement étaient celles qui ne vivaient pas avec nous. Pour rendre hommage à ma mère et à son immense courage, j’ai lancé au mois de septembre une levée de fonds sur une plateforme de sociofinancement. Tout l’argent recueilli a été partagé entre deux organismes, dont la Fondation cancer du sein du Québec. Quand ma mère a eu son diagnostic, on lui avait conseillé de ne surtout pas aller faire de recherches sur Internet. C’est entre autres par le biais de la Fondation qu’elle a pu obtenir de l’information crédible, mais c’est également via la magnifique communauté rassemblée sur leur groupe Facebook « Parlons cancer du sein » qu’elle a pu être épaulée et soutenue. La Fondation cancer du sein du Québec a été une ressource des plus précieuses au cours des dernières années.  

Pour ma part, je vais devoir commencer à faire des mammographies vers la mi-trentaine, pour m’assurer de ne pas développer précocement un cancer comme ma mère. Je n’ai honnêtement pas de craintes particulières face à cette possibilité. Je n’ai pas envie de vivre dans la peur simplement à cause d’un événement qui pourrait ne jamais survenir. Sur une autre note, j’aimerais profiter de cette tribune pour dire à toutes les personnes faisant partie de l’entourage d’une personne atteinte du cancer du sein que… je vous vois. Je sais ce que vous vivez, je sais ce que vous ressentez. La pandémie a fait en sorte que j’étais toujours à la maison avec ma mère, même si on ne partageait pas nécessairement la même pièce. On pouvait rire jusqu’aux larmes une journée et parler pendant des heures la suivante. On pouvait aussi juste profiter de la présence de l’autre, étendues sous des doudous, à écouter en rafale des épisodes d’une série pour ado. Elle savait que je pouvais l’aider à tout moment, je n’avais qu’à traverser un couloir au moindre signe de sa part. Je prenais soin d’elle et j’essayais de lui donner le plus d’amour possible. Parce que c’est exactement ce dont elle avait besoin à ce moment-là. On avait déjà une très belle relation, mais qu’elle se montre avec autant de vulnérabilité auprès de moi, ça a créé un rapprochement différent. On reconnaît beaucoup l’apport du conjoint ou de la conjointe, mais on ignore (trop) souvent la contribution des autres membres de la famille immédiate. Je pense particulièrement aux filles et aux fils, aux pères et aux mères, qui font également une énorme différence. À tous les aidants qui ont été dans la même situation que moi en combattant au front, je connais votre grande contribution. Vous méritez reconnaissance et gratitude. Merci d’être présents et présentes, au quotidien, pour la personne que vous chérissez.

Nous savons que le cancer du sein apporte de nombreux changements dans le quotidien de la personne atteinte. Afin de bénéficier d’une aide financière, soumettez votre demande d’admissibilité dès maintenant.

Nous sommes là pour vous.