J’ai été diagnostiquée à 27 ans d’un cancer du sein hormonodépendant in situ de type 1 stade 1 B. J’en ai 32 aujourd’hui.
Je faisais une formation en plongée sous-marine. En mettant ma combinaison, j’ai touché une masse sur le bord de mon sein. J’ai tout de suite trouvé ça bizarre. J’ai quand même continué ma journée et fait mon accréditation.
Le lendemain, j’ai décidé d’appeler ma médecin de famille qui me suis depuis mon adolescence. La semaine suivante, j’avais un rendez-vous. Sur place, elle m’a dit : « toute masse au sein, on prend ça très au sérieux. Je t’envoie faire une mammographie et une échographie. » Elle m’a donc fait une prescription.
La première clinique que j’ai contactée était une clinique privée. Je pensais que j’aurais un service plus rapide. Ils ont refusé de me prendre, parce que j’étais considérée trop jeune pour eux. J’ai rappelé ma médecin de famille qui m’a référé à la clinique du sein du CHUM. Ils ne m’ont posé aucune question par rapport à l’âge et m’ont prise tout de suite. J’ai eu un rendez-vous la semaine suivante, trois semaines après la découverte de la masse.
Sur place, on m’a fait passer les examens : l’échographie et la mammographie. Le radiologiste a dit : «Il n’y a pas de liquide dans la masse, donc ce n’est pas un kyste, on va te faire une biopsie tout de suite». À ce moment-là, je n’ai pas d’état d’esprit : je fais ce qu’on me dit, j’essaie de ne pas penser au résultat. Il faut savoir que je suis étudiante et qu’à l’époque, j’étais au premier cycle à l’université en pleine période d’examens.
Une semaine après, j’ai eu un appel. On m’avait dit : le département de radiologie va te rappeler peu importe les résultats pour te fixer un rendez-vous de suivi. Je m’y attendais, donc. Au téléphone, la réceptionniste m’informe qu’ils vont me fixer un rendez-vous avec un docteur, et me donne son nom. Par réflexe, je l’ai googlé : il s’agit d’un oncologue spécialisé en cancer du sein. À ce moment-là, j’ai complètement freak out. Mon rendez-vous était une semaine plus tard. J’étais paralysée d’angoisse. Je suis donc allée voir ma psy, j’ai réussi à la rencontrer la veille du rendez-vous. Je me suis sentie un peu mieux.
J’ai demandé à ma mère de m’accompagner. Sur place, on m’a annoncé que j’avais un cancer du sein. On me posait des questions sur mon historique et mes habitudes de vie. Je n’avais jamais fumé, je ne buvais pas beaucoup d’alcool et personne dans ma famille n’avait eu de cancer du sein. Mais j’avais vécu un divorce très difficile, j’étais vraiment mal : le diagnostic de cancer surgissait un an après cet événement. L’oncologue m’a confié qu’il voyait dans plusieurs de ses patientes un pattern d’apparition du cancer lors d’un événement de vie difficile comme un divorce ou un deuil.
Lors de mon rendez-vous, le médecin m’a annoncé qu’il partait en vacances et qu’à son retour un mois plus tard on me ferait une tumorectomie. Je ne pouvais pas concevoir passer un mois avec une masse cancéreuse. Finalement, il m’a passé en surplus juste avant de partir en vacances. Quatre jours après mon rendez-vous avec lui, j’étais opérée. Entre la découverte et le retrait de la masse il s’est écoulé 6 semaines au total. Ils m’ont aussi retiré 2 ganglions pour les analyser : c’était négatif, donc rassurant.
J’ai aussi testé pour le BRCA et fait un test avec une injection radioactive pour voir s’il y avait des métastases, et par chance tout était beau.
Je n’ai pas eu à subir de reconstruction puisque le chirurgien n’a retiré que la tumeur. Ils ont quand même demandé à une chirurgienne de remonter un peu mes seins pour qu’il n’y ait pas de déséquilibre et par souci d’esthétisme. Lors de la visite suivante chez ma psy, j’avais déjà été opérée. J’ai toujours pu compter sur elle et encore plus sur ma famille. Mon entourage s’est mobilisé rapidement pour me soutenir moralement. J’ai eu tellement de chance de pouvoir compter sur eux.
J’ai attendu des mois pour les résultats du test oncotype, qui calcule les risques de récidives. Le test était envoyé aux États-Unis pour une analyse complète. Entre-temps, il a fallu que je fasse congeler mes ovocytes car on ne savait pas quel serait les résultats du test. Allais-je pouvoir avoir des enfants naturellement un jour? Cette question planait dans mon esprit.
À la mi-septembre, les résultats sont rentrés et ils étaient très bons. Je n’ai pas eu à faire de chimiothérapie. Mon docteur était si heureux de me l’annoncer qu’il m’a appelé lui-même. J’ai cependant eu plusieurs traitements de radiothérapie à faire qui se sont très bien passé.
Malgré mon jeune âge, ça été pris très au sérieux dès le début par toutes les personnes du service de santé publique. Il n’y a que la clinique privée qui a refusé de me recevoir, ce qui me laisse un goût amer. J’aurais pu me buter à ça et ne rien faire, me dire que statistiquement, il y avait très peu de chances que j’aie un cancer du sein. Ce qui aurait clairement fait en sorte que le cancer évolue. Par chance, ce n’est pas dans ma personnalité, je prends ma santé très au sérieux.
Il faut aussi dire que je suis une ancienne préposée aux bénéficiaires du CHUM : je ne crains pas les hôpitaux. Le matin de mon opération, la préposée aux bénéficiaires qui m’amenait dans la salle d’opération était une ancienne collègue. J’étais très émotive. Je connais cette institution, je connais du personnel, je sais comment ça fonctionne. Ça peut être très angoissant pour certains et je le conçois. J’ai été très bien traitée. Le CHUM offre aussi des services de massothérapie à moindre coût, j’en ai bénéficié. J’ai eu une très bonne prise en charge : je sentais que je n’étais pas juste un numéro.
J’ai été très déçue de savoir que parce que je n’avais pas cumulé assez d’heures d’assurance-emploi, je ne pouvais pas bénéficier du chômage pendant mes traitements. Je ne pouvais pas travailler, alors j’ai dû faire une levée de dons car sinon je n’avais pas de revenus pour payer mon appartement. On m’a dit que j’aurais pu me battre pour finir par obtenir du chômage mais honnêtement je n’avais pas l’énergie pour ça. J’ai appris que La Fondation cancer du sein du Québec offre de l’aide financière aux personnes admissibles, mais je l’ai su trop tard.
J’ai recommencé à travailler le mois après l’opération, j’aurais vraiment aimé me reposer un peu plus. J’avais au moins accès aux prêts et bourses du Gouvernement mais j’ai traîné une grande fatigue. Tout cet aspect financier a été difficile.
Puis, le fait qu’au départ, la clinique privée ait refusé de me prendre en fonction de mon âge est problématique.
On le sait maintenant, il n’y a pas d’âge pour le cancer du sein. Il y a malheureusement de plus en plus de personnes dans la vingtaine qui auront un diagnostic. Toute personne qui a une demande de consultation pour une mammographie et/ou une échographie devrait y avoir accès, au public comme au privé, sans porter attention à l’âge. Le système de santé dans son ensemble devrait être au diapason là-dessus. Et pour les plus âgées, faire des mammographies de rappel à partir de 40 ans afin de réduire les risques de cancer du sein à un stade plus avancé dans la cinquantaine, comme le disait une étude récente de chercheur-e-s de l’Université d’Ottawa, permettrait d’agir en prévision plutôt que d’avoir à payer pour des traitements. Le dépistage préventif devrait être plus accessible.
Quand j’ai trouvé ma bosse, elle faisait environ 2 cm diamètre, elle était plus petite qu’une balle de golf. Avant mon cancer, je ne faisais pas observation des seins mais maintenant j’ai incorporé ça dans une routine mensuelle, en plus des suivis annuels avec l’oncologue. Il faut surveiller ses seins peu importe notre âge : j’en parle à mes amies et je fais des publications sur mes réseaux sociaux.
Quand j’ai terminé mes traitements, je suis retournée voir ma médecin de famille et je lui ai demandé : «Je fais quoi maintenant ?». Elle m’a répondu : «Janyck, tu vis ta vie.». C’est vrai. Il y a une vie avant, pendant, et la vie d’après. Je fais de l’anxiété parfois quand c’est le temps de ma mammo annuelle ou d’un IRM mais je fais de mon mieux pour que ça n’impacte plus ma vie. Maintenant je suis au doctorat et je travaille notamment sur les enjeux de santé. Pour moi, il est clair que cette période difficile de ma vie ne fut qu’un chapitre, pas l’entièreté et je fais mon possible pour profiter de la vie au maximum.
Si vous vivez des doutes ou des questions en lien avec le cancer du sein avant, pendant ou après le diagnostic ou les traitements, appelez-nous au 1-855-561-ROSE afin qu’un membre de notre équipe puisse vous guider et vous répondre de manière confidentielle.
Nous sommes là pour vous.