Quand je discute de ce qui m’est arrivé, les gens sont surpris que j’ai eu un cancer du sein à mon âge.
Tout a commencé à l’automne 2020 : j’ai ressenti une douleur au sein et j’ai vu que son apparence avait changé : il était gonflé. Ce n’était pas confortable du tout (ça pinçait un peu) et mes ganglions étaient enflés. Je pensais que c’était un symptôme de mes menstruations.
J’ai attendu 2 ou 3 semaines avant de consulter mon médecin de famille, mais quand je lui en ai parlé, il a pris ça très au sérieux. Le même jour, j’ai passé une mammographie et une échographie. Une de mes cousines ayant été diagnostiquée avec un cancer du sein triple négatif il y a 15 ans, j’étais inquiète.
Trois ou quatre semaines plus tard, on m’a rappelé pour effectuer une biopsie du sein et de l’aisselle. J’étais vraiment anxieuse. J’avais l’impression de savoir la réponse avant même qu’on m’annonce mon diagnostic.
Quand je l’ai appris, j’étais avec le père de mes enfants. Nous étions en temps de COVID, alors tout le monde dans la salle étaient masqués. Je n’avais pas accès aux expressions faciales. J’ai eu l’impression que le moment n’était pas réel. Lors de ce rendez-vous, le médecin nous a également expliqué qu’avec la grosseur de la masse (4 cm par 5cm), c’était possiblement un stade 3.
Par la suite, j’ai vu mon oncologue qui m’a informé que j’avais un cancer du sein triple-négatif. Il m’a dit que je devrais faire des traitements de chimiothérapie rapidement compte tenu de la taille de la masse, dans l’objectif de la faire diminuer et qu’après, j’aurais une chirurgie suivie de séances de radiothérapie. Les traitements ont commencé très rapidement. J’ai très bien répondu à la chimiothérapie : après 2 traitements seulement, la masse avait bien diminué. Les traitements de Taxol ont été quant à eux, beaucoup plus difficiles sur mon corps. Je ressentais de la douleur partout, mais je continuais de bouger quand même.
J’étais plus prête que je le pensais : dès que j’ai eu le plan de match, il y avait pour moi un début et une fin à cette histoire. J’avais une attitude de fonceuse.
À l’époque, mon garçon avait 3 ans et ma fille 5 ans. Je leur ai expliqué qu’il y avait dans mon corps des petits soldats qui essayaient de combattre ma maladie, et qu’ils n’étaient pas assez fort tout seul, alors la chimiothérapie les aidait à la combattre. Je leur disais aussi que les petits soldats étaient devenus tellement forts, que cela faisait tomber mes cheveux et mes poils. Mon fils a été marqué, car récemment il disait encore que j’avais le cancer. Je crois qu’il était trop jeune pour tout saisir lorsque c’est arrivé.
Lorsque tout cela m’est arrivé, les vaccins pour la COVID n’étaient pas encore sortis, alors tout était fermé. Ma fille a donc passé le reste de l’année à faire sa maternelle à distance, avec moi. Je faisais ma chimiothérapie puis je lui enseignais, tout en m’occupant de mon fils qui n’avait plus de garderie. Ma mère a été un ange pour moi et le père de mes enfants, malgré notre récente séparation, a été d’une grande aide et soutien moral durant tout ce temps.*
Ma cousine, celle qui avait reçu un diagnostic de cancer du sein des années plus tôt, m’a beaucoup accompagné dans tout ce processus : elle avait reçu exactement le même nombre/type de traitements. Elle est infirmière et m’a beaucoup aidé à me préparer, ainsi qu’à répondre à toutes mes questions. J’ai la chance d’avoir une famille tissée serrée. Dans le milieu hospitalier, les infirmières présentes ont aussi beaucoup contribué à me mettre à l’aise.
Dans mon cas, les traitements étaient aux deux semaines. Juste après chaque séance, j’étais bien amochée pendant 3 jours, puis je me sentais mieux progressivement. La routine continuait quand même pendant mes traitements, et avec les deux enfants à la maison : ce n’était pas facile tous les jours. Ma mère partait du Lac Saint-Jean aux deux semaines pour venir m’aider à la maison. Elle avait toujours une belle attitude positive et me soutenait énormément. Comme c’était à l’époque où les déplacements étaient interdits entre les régions, mon oncologue m’avait fait une prescription qui agissait comme dérogation pour cette loi, et donnait à ma mère le titre d’aidante. Ma mère et moi nous en avions chacune une copie dans notre voiture, au cas où. Quant au père de mes enfants, il était présent malgré ses grosses journées de travail, jamais il n’a laissé paraître sa tristesse, il m’a aidé à garder le sourire!
Je m’étais faite là l’idée de perdre mes cheveux, mais comme je suis la plus jeune de la famille, ma mère a trouvé ça très difficile. Mon ancien conjoint m’avait rasé mes beaux cheveux longs et il avait rasé les siens directement après, ce fût un moment très émotif pour tous. Je pense que la maladie devient concrète aux yeux de tous à ce moment-là : on a sûrement plus l’air malade.
En ce qui concerne la chirurgie, j’avais le choix entre rester à plat, enlever uniquement ce qui avait été touché par le cancer ou subir l’ablation du sein au complet puis une reconstruction. Je ne voulais pas vivre avec ce sein qui avait eu le cancer, y repenser constamment et craindre que la maladie soit de retour. J’ai donc fait le choix de l’ablation du sein. J’ai vécu la reconstruction il y a seulement très peu de temps.
Huit à dix semaines après la chirurgie, j’ai débuté la radiothérapie. Malheureusement, ces traitements ne sont pas offerts partout, alors je devais me rendre au CHUM de Montréal. J’habite sur la Rive-Nord. Cela a duré cinq semaines, et ce, cinq fois par semaine pour une séance d’environ 30 minutes.
Avant la période d’acceptation du diagnostic, je suis passée par une phase de colère et de questionnements. Je me demandais pourquoi mon corps m’avait trahie, et j’en voulais à la terre entière que ça soit tombé sur moi. En plus en période de COVID, on n’est pas avec notre famille, on est davantage laissés à nous-mêmes. Cela a été très dur. Si je pouvais donner un conseil à quelqu’un qui passe par là, je lui dirais : « Prends tous les médicaments qu’on te donne pour les nausées. Repose-toi, n’en fais pas trop et prend toute l’aide qui t’est offerte.
J’ai voulu aller chercher des ressources en santé mentale mais proche de chez moi, le poste en psychologie (auprès des patients qui ont le cancer) est vacant depuis un an. J’ai quand même réussi à obtenir des rencontres à l’hôpital de Saint-Eustache récemment, j’étais sur la liste d’attente depuis près d’un an.
Pour moi, c’est la période post-traitement qui a été la plus difficile à vivre, probablement en raison de la peur de la récidive. Pendant les traitements, je vivais plus au jour le jour, mais maintenant on peut dire que j’ai vraiment peur de ne pas voir mes enfants grandir, de ne pas devenir grand-mère plus tard.
Je suis considérée en rémission, mais les médecins ne sont pas aussi clairs et directs que ça, ils préfèrent l’appellation « sans trace de cancer ». J’avais un suivi aux trois mois la première année. Maintenant, c’est aux six mois. Je suis contente quand le rendez-vous arrive car ça me rassure, et je ne suis pas laissée à moi-même. J’ai également de l’aide d’une infirmière pivot qui m’est attitrée. Elle est très importante, car je peux l’appeler n’importe quand.
Je conseillerais à une personne qui vient de recevoir un diagnostic de prendre une journée à la fois, et de ne pas hésiter à demander de l’aide à ses proches. Il faut utiliser toute l’aide qu’on peut avoir et ne pas rester seule. Il y a des groupes Facebook privés de soutien qui existent. Ça m’a apporté beaucoup au début, d’avoir du soutien de personnes vivant la même chose que moi : je me suis sentie enfin comprise.
Quand on sort d’une épreuve comme ça, j’ai l’impression qu’on apprécie encore plus le positif de la vie.
Au printemps dernier, j’ai eu le courage de changer d’orientation de carrière après un an et demi de pause, due à la maladie. Je suis devenue secrétaire scolaire, car j’aime beaucoup le contact avec les jeunes. D’ailleurs, je crois que dès le secondaire il serait important de les sensibiliser au cancer du sein et à l’observation des seins. Je ne l’ai pas été, et la réalité est que le cancer du sein, c’est aussi pour les jeunes femmes.