Témoignage de France Lemieux, diagnostiquée à 30 ans 

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J’aime dire que Mitsou m’a sauvé la vie. Un matin de décembre 2005, je suis dans la voiture et je me dirige vers le travail. À la radio, j’entends Mitsou qui parle de cancer du sein, et son message s’adresse aux femmes plus jeunes. Elle explique que plusieurs femmes dans son entourage ont reçu ce diagnostic et qu’il faut consulter sans attendre si on découvre une bosse ou qu’il y a quelque chose d’anormal avec nos seins. Ironiquement, j’avais trouvé une bosse dans mon sein la fin de semaine précédente. J’avais 30 ans à ce moment-là et j’ai senti que Mitsou s’adressait à moi directement. En arrivant au bureau, j’ai appelé mon gynéco et il a accepté de me recevoir très rapidement.  

C’était une petite bosse, mais elle faisait mal lorsqu’on appuyait dessus. Je n’étais pas inquiète, car il n’y avait jamais eu de cas de cancer du sein dans ma famille. J’en avait bien sûr déjà entendu parler, mais je n’étais pas vraiment sensibilisée, vu mon jeune âge.  

J’ai eu une mammographie, une échographie et une biopsie la même semaine. C’était tout juste avant Noël. Je n’en avais parlé à personne, sauf à mon conjoint. Je ne voulais pas inquiéter mes proches, puisque j’étais persuadée que le résultat serait négatif. Le gynéco m’avait donné un rendez-vous de suivi à la fin janvier, mais il m’a appelée pour le devancer. Je suis toujours allée à mes rendez-vous médicaux et suivis de grossesses seule, mais cette fois-là, par contre, comme mon rendez-vous avait été devancé, mon chum m’a demandé si je voulais qu’il m’accompagne parce qu’on sentait que c’était bizarre. Mon gynéco m’a annoncé que les examens n’avaient pas donné les résultats escomptés et que j’avais un cancer du sein.  

Témoignage de France Lemieux, diagnostiquée à 30 ans 

Une publicité était diffusée, il y a quelques années à la télé, de gens qui s’effondrent complètement en entendant un diagnostic comme celui-là, comme s’ils se faisaient percuter par un train. L’image du gars qui s’effondre sur sa chaise, ça a été mon chum à ce moment-là. J’aurais cru m’écraser aussi, mais non, je n’ai même pas pleuré. Je me souviens qu’en sortant du bureau du gynéco, on s’est assis dans la voiture sans se parler, et à la radio, on annonçait une marche au profit de la recherche sur le cancer du sein. On s’est regardés, on a souri et on s’est dit que ça allait être notre réalité pour la prochaine année.  

On a un grand sens de l’humour, tous les deux; ça nous a beaucoup aidés. Les médecins nous ont dit que ma condition était grave, mais ils n’ont jamais parlé de mort. On avait décidé d’y aller un jour à la fois. Mon conjoint a été super fort. Il montait la garde, interceptant les appels ou les messages des gens qui prenaient de mes nouvelles, afin que je puisse me concentrer sur ma guérison. On n’a pas pleuré ensemble. Je ne l’ai jamais vu démoli, sauf au moment du diagnostic, dans le bureau du médecin. On s’en parlait, mais on n’est jamais allés en profondeur dans tout ça. On n’en avait pas besoin, il faut croire. Un simple regard suffisait pour savoir comment l’autre allait.  

 

On m’a fait une mastectomie partielle le jour de mes 31 ans, le 16 février. C’était une chirurgie d’un jour. Je suis sortie sur mes deux pattes, passablement en forme, mais on m’avait installé deux drains. J’ai même eu droit à mon petit gâteau de fête. J’ai débuté des traitements de chimiothérapie qui allaient s’étaler sur une période de six mois et 25 traitements de radiothérapie seraient ensuite nécessaires.  

Les deux ou trois premiers jours, j’étais super high et je ne dormais pas à cause de la médication. Mes nausées étaient contrôlées, j’ai été chanceuse. Le pire, c’était la fatigue. La perte des cheveux est survenue 10 à 12 jours après le premier traitement.  

Mes enfants avaient 3 et 5 ans au moment de ma chimio. Ils savaient que j’allais perdre mes cheveux. On a toujours été honnêtes avec eux. Nous sommes de grands amateurs de hockey à la maison. Quelques années auparavant, Saku Koivu, des Canadiens de Montréal, avait eu un cancer. Mes garçons en avaient entendu parler. Mon grand se rappelait son absence sur la glace et son retour au jeu. On leur a amené la situation de cette façon : en leur expliquant que maman avait la même maladie que Saku, qu’elle allait perdre ses cheveux, être plus fatiguée, mais qu’elle reviendrait en force, comme notre # 11 préféré, qui est toujours resté le capitaine de son équipe. Mon chum a même écrit à Saku pour lui raconter qu’il nous avait aidés comme famille à passer à travers ce qui nous est arrivé. Je traîne ce texte de mon amoureux dans mon portefeuille depuis presque 20 ans maintenant.  

On m’a proposé un soutien psychologique le premier jour, mais je n’ai pas senti le besoin de donner suite. On nous l’a aussi offert pour les enfants, mais on a refusé. Selon nous, nous étions les mieux placés pour accompagner nos garçons dans cette épreuve.  

J’avais 30 ans, et on aurait dit que je ne me permettais pas de montrer que j’étais malade. Les gens m’appelaient et je disais toujours que ça allait super bien. C’était quand même vrai, outre la fatigue. J’ai été en arrêt de travail pendant un an et demi.  

Par la suite, on m’a administré du Herceptin par intraveineuse toutes les semaines pendant un an pour minimiser les chances de récidives. Par contre, en 2016 soit dix ans plus tard, j’ai senti une nouvelle bosse dans le même sein, à peu près au même endroit. J’étais déjà dans le système; alors, j’ai contacté mon oncologue, et la semaine suivante, je passais une mammographie, une échographie et une biopsie. Il ne s’agissait pas du même type de cancer; donc, les médecins ne considéraient pas cela comme une récidive.  

J’ai tout de suite dit au médecin que je voulais me faire enlever le sein. Il était d’accord et disait que ce serait plus prudent. Le 6 mai 2016 (jour de l’anniversaire de mon père) j’ai donc subi l’ablation complète du sein. J’ai eu de la chimio encore une fois, mais pas de radio parce qu’on ne pouvait pas irradier deux fois au même endroit.  

Cette fois-là, je savais vers quoi je m’en allais. Il n’y a pas eu de perruques. Même que mes fils et mon conjoint se sont aussi rasé les cheveux en signe de soutien et on a fait ça en famille, sur le balcon.  

La deuxième fois, mes enfants étaient plus vieux et plus conscients. Ils avaient 13 et 15 ans. J’ai appelé à l’école pour mentionner ce qui se passait. Je l’avais aussi fait la première fois alors que mon plus vieux était en maternelle. Les deux fois, les profs ont été formidables.  

Mon plus vieux, mon grand sensible, a trouvé l’épisode difficile. Il était inquiet. Il a fait une collecte de soutien-gorge à l’école. Il a ramassé trois boîtes qu’il a ensuite été porter dans une succursale des magasins « La vie en Rose ». Chaque année cette chaine de magasin fait une campagne afin d’amasser des fonds pour la recherche sur le cancer du sein et ils remettent 1$ par soutien-gorge reçus. Ça lui a donné une mission. Il était très investi. Mon plus jeune lui, l’a vécu avec plus de naïveté, plus sereinement et c’est tant mieux.  

De mon côté, je me suis dit : que je repartais au combat.  

Environ trois mois plus tard, j’ai été référée en plastie à l’hôpital. On me proposait une reconstruction mammaire par lambeau. L’opération a duré 12 heures. Ça a été le plus difficile. Ils ont prélevé les tissus (peau, graisse et muscle) d’une hanche à l’autre et c’est ce lambeau qui allait être utilisé pour recréer le volume du sein. Le lambeau doit reprendre vie et se greffer à la peau de la poitrine. J’avais plusieurs drains. Pendant les premiers jours, tu as une sonde, des bas de compression. Tu as 40 ans, tu ne peux pas aller aux toilettes toute seule ni te laver. Un jour, une infirmière sensible à ma détresse m’a dit : « On le sait que ce n’est pas vous, cette personne-là qui est ici. Laissez-vous faire. »  

J’ai maintenant une mammographie par année et le doute est toujours présent quand je me présente dans le bureau pour recevoir les résultats. Je ne pourrai jamais oublier ce par quoi je suis passée. Tous les jours, je vois mon sein. Je ne peux pas dire que j’y pense toujours, mais c’est souvent présent dans mes pensées. Récemment, j’ai trouvé une bosse dans le sein qu’il me reste. J’ai tout de suite écrit à l’oncologue, et deux jours plus tard, j’ai subi une mammo et une échographie. Finalement, oui, j’avais une bosse, mais cette fois-ci, ce n’était qu’un kyste graisseux.  

Mes enfants savent que Mitsou est mon idole depuis ce temps, puisque j’aime dire que c’est elle qui m’a sauvé la vie. Ils ont entendu l’histoire souvent. Le médecin m’a toujours dit que si je m’en suis bien sortie, c’est parce que j’ai été prise en charge rapidement, et ça, c’est grâce à l’intervention de Mitsou à la radio.  

Cet été, mon conjoint et moi, on a fêté nos 25 ans de mariage. Ma belle-fille a décidé d’écrire à Mitsou pour lui raconter notre histoire et lui demander si elle pouvait faire une petite vidéo pour souligner l’événement. Cette dernière a gentiment accepté de le faire, et dans la vidéo, elle mentionnait qu’elle savait les défis qu’on avait dû surmonter et elle nous félicitait de l’avoir fait ensemble. Quand la vidéo a été diffusée durant la soirée, je peux vous dire que j’ai pleuré ma vie.  

Peu de temps après, j’ai pris la chance d’écrire à Mitsou par Messenger pour la remercier. Elle m’a répondu, et c’est elle qui m’a proposé de témoigner auprès de la Fondation. Pour moi, c’était important qu’elle sache à quel point son implication dans la Fondation est importante. Que son message avait été entendu et qu’elle avait véritablement sauvé une personne.