Je m’appelle Mylène et j’ai 29 ans. J’avais 23 ans quand on m’a diagnostiqué un cancer du sein hormonodépendant. Je n’avais pas de symptômes. J’étais dans un cours à l’université : il ne faisait pas chaud, alors j’avais un peu froid et j’avais la main sous mon foulard. J’ai senti une petite bosse au-dessus de mon sein : ce n’était pas douloureux. À la pause, je suis allée à la salle de bain avec mes amies, pour voir si c’était normal et l’examiner de plus près.
Par chance, j’avais déjà un rendez-vous avec ma médecin de famille la semaine suivante, ça adonnait bien. Quand elle m’a examinée, elle m’a dit que c’était probablement un kyste. Comme elle suit toute ma famille, elle sait que plusieurs femmes dans ma famille en ont déjà eu. Elle m’a prescrit une échographie et une mammographie qui ont eu lieu la même semaine.
A cet endroit-là, eux, étaient plus en panique en me faisant passer les examens. Le médecin m’a mis main sur la cuisse après les tests et m’a dit : « Tu vas retourner voir ton médecin lundi. » Ma mère était pharmacienne. Sa pharmacie était située juste en bas de chez mon médecin, elle a donc rapidement pu me consoler.
Ma médecin de famille m’a dit qu’il y avait de fortes chances que j’ai un cancer. Une biopsie était donc prévue dans les jours suivants. Les rendez-vous se succédaient très rapidement : je passais devant tout le monde vu mon âge. Ma mère m’a accompagné pour la biopsie.
J’avais lu le rapport du médecin qui disait Birad grade 3, et 90% des chances que ce soit un cancer. Dans ma tête, je voyais 5 portes que j’ouvrais, et je m’imaginais que 4 de ces portes représentaient le cancer. Ce que j’ai trouvé le pire pendant ces trois semaines-là, c’était le doute : l’inconnu. Je ne dormais pas. J’allais à l’université le jour. Ma médecin de famille m’a donné un rendez-vous avec un chirurgien : c’est lui qui m’a donné mon diagnostic.
Le premier oncologue que j’ai vu voulait que je débute la chimiothérapie immédiatement. À l’époque, je suivais Nalie Agustin sur les réseaux sociaux. Je devais suivre sensiblement le même plan de traitements qu’elle. Je m’étais même achetée une perruque. Puis, le deuxième oncologue, m’a fait passer un test oncotype pour voir mon pourcentage de risque de récidive, et les résultats étaient très encourageants. Il a donc été décidé que j’aurais seulement la chirurgie, la radiothérapie et l’hormonothérapie. Je n’ai donc pas eu de chimiothérapie.
J’ai également eu une tumorectomie. On aurait pu faire une reconstruction, mais je n’ai pas voulu alors on a donc seulement enlevé la masse. Ensuite, j’ai fait de la radiothérapie, 40 traitements d’environ 20 minutes chacun. Ça m’a rendu très fatiguée, je dormais beaucoup. Mon sein était rouge vif, plein de pansements, j’avais l’impression qu’il était sur le point de tomber. J’ai quand même fait ma maîtrise pendant ce temps : j’ai annulé certains cours et mon stage temps plein, et j’ai arrêté de travailler, mais j’ai gardé un cours pour ma santé mentale.
Je suis chanceuse, mes parents sont bien nantis. Mais c’est autre chose quand tu n’as pas d’assurance. Quand j’ai eu mon diagnostic, mes parents m’ont fait un virement dans mon compte en banque et m’ont dit : continue de profiter de la vie sans penser à l’argent. Quand tu es étudiante et que tu n’as pas un travail à temps plein, tu peux perdre tous tes revenus suite à un diagnostic. Le cancer n’agit pas en fonction de ton âge, ni de ta situation financière.
Face à mon diagnostic, ma mère était triste et mon père plus positif, même s’il trouvait ça très difficile aussi. Je me raccrochais à son positivisme. Cela a été une épreuve très difficile pour ma mère : elle me disait qu’elle aurait voulu l’avoir à ma place. Maintenant que j’ai une fille de 4 mois, je comprends ce qu’elle veut dire, comment on se sent impuissant de voir souffrir son enfant. Dans mes amies, personnes n’avait vécu ça, alors je n’avais comme pas de repères. Par contre, mes amis m’ont vraiment donné une vague d’amour incroyable. Je n’ai jamais été seule à aucun de mes traitements : ils s’alternaient aussi pour venir me faire à souper et me tenir compagnie. J’avais arrêté de boire de l’alcool pendant 1 an parce que j’avais lu que ça pouvait aider, alors mes amis m’apportaient des thés ou elles avaient toujours une option sans alcool pour moi.
La vie amoureuse et le dating, ce n’est pas idéal quand tu as 23 ans et un cancer du sein et à l’époque, je n’avais pas de copain. J’ai essayé de voir des gens, mais ce n’était pas facile de trouver quelqu’un qui accepte ça. Ma cicatrice était petite, mais ça restait gênant. Il n’y avait pas beaucoup de ressources pour les jeunes, et à l’hôpital je côtoyais des femmes plus âgées qui n’avaient pas les mêmes préoccupations que moi à l’époque. On m’a proposé du soutien psychologique à l’hôpital, mais ça n’a pas fitté avec la psychologue. J’ai l’impression qu’elle avait une expertise avec les plus vieux et qu’elle ne comprenait pas ma réalité.
Ce que j’ai trouvé le plus difficile, c’est le processus avec la clinique de fertilité OVO. Mes traitements pouvaient diminuer mes risques de pouvoir concevoir un enfant naturellement. J’ai donc choisi de faire congeler des ovules. J’étais déjà émotive du diagnostic et je me faisais shooter des hormones par-dessus.
À la fin des traitements, le médecin m’a dit que je ne pourrais peut-être pas avoir d’enfants. Ça m’a fâchée. Il était frileux que je tombe enceinte, craintif d’une possible récidive. Pendant des années, j’ai négocié avec mon oncologue pour qu’il me permette d’essayer de devenir enceinte. Je me tenais aussi au courant des démarches pour l’adoption. J’ai rencontré mon copain juste après la fin de mes traitements, et on avait parlé d’adoption. À un moment donné, à la lumière de récentes études qui ne voyaient pas de corrélation entre la fin des traitements et une possible récidive mon médecin m’a donné son accord pour arrêter l’hormonothérapie et m’a fait promettre de lui annoncer ma grossesse à lui, en premier, si ça fonctionnait. Ça été un bébé miracle : le premier mois des essais, je suis tombée enceinte.
J’ai réussi à allaiter ma fille pendant 4 mois et je viens d’arrêter. J’allaitais du sein non atteint. L’autre avait les canaux en latence et il ne produisait pas de lait. Dans quelques semaines, j’ai une mammographie de suivi. Je n’en ai pas eu enceinte, ni pendant mon allaitement, alors j’ai hâte d’être rassurée.
Pendant tout le processus, ce qui m’a le plus aidé ça a été d’en parler. Tu ne contrôles pas grands choses lorsque tu as un cancer, mais ton mental et comment tu prends ça au jour le jour, oui, donc j’ai trouvé important d’être positive. Je suis considérée en rémission depuis avril! J’ai ouvert une bouteille de champagne et envoyé une carte à mon oncologue avec une photo de ma fille. Je me sens comme si je pouvais passer à autre chose, enfin.