Témoignage de Jessica Dagenais 

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Témoignage de Jessica Dagenais : 25 ans, enceinte et diagnostiqué avec un cancer du sein

Témoignage de Jessica Dagenais 

Je m’appelle Jessica, je m’en vais sur mes 26 ans, je suis enceinte de 30 semaines et je viens d’être diagnostiquée avec un cancer du sein.

Quand j’ai commencé à avoir des doutes sur mon état de santé, je me souviens m’être dit : c’est impossible, je suis enceinte. Il y a plein de changements hormonaux qui se produisent quand on attend un enfant donc mes seins ont changé, mais c’est normal, je suis comme immunisée. J’étais plus fatiguée mais encore là avec la grossesse, c’est normal, alors c’était difficile de savoir reconnaître un vrai symptôme.

J’ai toujours eu un sein plus petit que l’autre mais il y a quelques semaines, j’ai remarqué une masse à ce sein. Tous les jours, je la touchais et ça ne partait pas : ce n’était pas vraiment douloureux, mais c’était sensible au toucher. Lors de mon suivi de grossesse avec ma médecin, je lui en ai parlé et elle m’a examiné. Elle m’a ensuite référé au CRID de l’hôpital Maisonneuve Rosemont et deux semaines plus tard, l’hôpital m’appelait pour me faire une échographie mammaire et une biopsie.

Ils ont vu une anormalité au sein et aux ganglions : j’ai eu 3 biopsies par la suite. Une semaine plus tard, le 26 janvier dernier, j’ai appris que j’avais un cancer du sein, plus précisément un stade 2 B (j’ai une masse de 3cm dans le sein droit, deux ganglions lymphatiques atteints, et j’ai un cancer HER2 positif).

Pendant la longue semaine d’attente des résultats, je préférais me dire que c’était lié à ma grossesse. J’avais déjà eu une tumeur à la vessie il y a deux ans, et je n’arrivais pas à croire que j’aurais en plus un cancer du sein ! En plus, autour de moi, toutes les personnes à qui j’en parlais me disait que ça ne devait pas être grave et que c’était probablement lié à ma grossesse : je devais avoir un kyste non cancéreux, d’après eux. J’y croyais.

J’avais un rendez-vous de planifié au CRID, mais ma médecin-accoucheur a regardé mes résultats et a tellement été sous le choc, qu’elle a voulu me le dire elle-même. Elle m’a appelé vers 21 heures pour m’annoncer la nouvelle. Sachant que je suis une personne assez anxieuse, elle a vraiment été rassurante. Elle m’a affirmé qu’une équipe serait là pour moi et que je serais prise en charge.

On m’a informé que je devrais faire de la chimio en deux parties : la première maintenant, avant l’accouchement, et l’autre partie ensuite (un traitement aux 3 semaines pendant 12 semaines).

Comme les organes de mon bébé sont développés, il n’y a pas de danger à entamer une chimiothérapie à ce stade. Cependant, si j’avais eu mon diagnostic pendant mon premier trimestre, j’aurais dû mettre fin à ma grossesse et ça aurait vraiment été très difficile pour moi, ayant eu du mal à tomber enceinte. Je risque tout de même d’accoucher avant terme car je fais également du diabète de grossesse. L’équipe qui me suit à l’hôpital est formidable : elle surveille et monitore tout, et j’ai confiance qu’ils prendront les meilleures décisions. En plus, je n’attends jamais pour mes rendez-vous, les informations me sont données très rapidement et quand j’ai des questions ils me trouvent de l’aide rapidement.

Je suis sur une liste d’attente pour une mastectomie partielle si je réponds bien à la chimiothérapie. Si elle n’est pas efficace, j’aurai besoin d’avoir une mastectomie complète… La chirurgie est prévue pour juillet et ensuite, j’aurai de la radiothérapie 5 jours par semaine, pendant 5 semaines.

Dans ma famille, on connait ça le cancer, il y a beaucoup d’antécédents : poumons, utérus, rectum… mais pas le sein. Je suis la première.

On ne m’avait jamais sensibilisé à faire l’observation des seins. Je savais par exemple que pendant les règles, des changements dans la texture des seins peuvent arriver et que c’est normal, mais je n’avais jamais adopté une attitude préventive. Aucun médecin ne m’avait d’ailleurs fait d’examen des seins avant d’être enceinte… Quand au tout début de ma grossesse, j’en ai eu un, ma médecin n’a rien remarqué d’anormal. Je me souviens même qu’elle m’avait dit que comme j’étais jeune, je n’aurais probablement pas de cancer. Ça faisait donc peut-être quelques semaines que j’avais une masse avant que je ne m’en rende compte…  Ne faisant pas l’observation des seins, je n’en avais aucune idée…

Le diagnostic a anéanti mon copain comme sa mère a déjà eu un cancer du sein. Même s’il est là pour moi, il est autiste et a parfois du mal à gérer son anxiété. C’est donc difficile d’en parler et d’avoir du soutien autour de moi. Mon père essaie de rester positif et il m’écoute car comme il a déjà eu un cancer, il peut comprendre. Ma mère, elle, est très anxieuse dans la vie et se sent comme impuissante face à la situation. J’essaie de ne pas trop lui en parler pour ne pas l’inquiéter. Je me sens un peu seule.  

J’ai eu un seul traitement de chimio jusqu’à maintenant (le 18 février dernier).  J’ai eu des nausées, des étourdissements, une migraine, des maux de tête, de la fatigue… Mon prochain sera le 11 mars. Je sais que la chimio et les autres traitements pourraient mettre un terme à mon rêve d’avoir d’autres enfants… Mon équipe a contacté la clinique OVO pour faire congeler mes ovules : je suis en attente.

L’allaitement, c’est aussi un deuil pour moi. Je ne pourrai pas allaiter mon bébé (à cause de la chimio) alors que j’ai toujours voulu le faire.  J’étais photographe avant, et j’ai fait des séances d’allaitement qui m’avait donné le goût. C’est aussi une dépense de plus à inclure dans mon budget : ça coûte cher le lait en formule.

J’ai des suivis avec un psychiatre spécialisé en grossesse et un psychologue spécialisé en oncologie. Ils sont là pour m’outiller. Il y a deux ou trois semaines, j’étais encore très négative, je faisais de l’insomnie, je pleurais tout le temps. On a dû me prescrire des anti-dépresseurs.

J’attends une fille qui arrivera en mai, et c’est la raison pour laquelle je me bats : l’espoir d’être présente pour elle. J’ai quand même très peur, car si le traitement ne fonctionne pas je vais devoir la laisser sans mère. J’ai aussi peur de ne pas être capable de m’en occuper, car même si j’ai été éducatrice à l’enfance et ait été avec des enfants, ce n’est pas comme avoir un bébé 24 heures sur 24. En plus, à cause des traitements après l’accouchement, je crains de ne pas être assez présente et en forme et de ne pas avoir assez d’énergie. Malgré tout ça, c’est quand même l’idée d’être avec elle qui m’aide le plus. Je me change les idées, je prépare sa chambre, je range ses vêtements…Ça va être un vrai bonheur dans ma vie.

Une de mes amies est décédée du cancer du sein, à 30 ans. Elle partageait rarement son vécu là-dessus, mais je sais qu’elle l’a appris malheureusement trop tard. Elle démontrait toujours une grande force malgré ses souffrances…Je n’aurais jamais pensé qu’à 25 ans, enceinte en plus, ça puisse m’arriver à moi. Je me disais que c’est un cancer qui ne concerne pas les jeunes. Je me rends compte maintenant que ça nous touche aussi.

On a eu des cours d’éducation sexuelle au secondaire, et je crois que ça aurait été pertinent qu’on enseigne l’importance de connaître ses seins. Même ma médecin de famille, qui est une femme, ne m’a jamais demandé ou suggéré de faire l’obervation des seins. Il me semble que ça devrait être discuté également par les médecins… Plus de sensibilisation, ça aiderait probablement et ça sauverait des vies. C’est assez rare une femme enceinte qui fait de la chimiothérapie et beaucoup de personnes ne le croient pas quand ils apprennent que je suis malade. J’espère que mon histoire va permettre de sensibiliser et informer la population : ça existe la chimio enceinte, et aussi le cancer du sein.