Claudia Boudreault, 25 ans, diagnostiqué 1 an après les premiers symptômes

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Claudia Boudreault

J’ai eu 25 ans le 4 octobre dernier et le 1er décembre 2021, on m’a diagnostiqué un carcinome canalaire infiltrant grade 3. Il y a un gros historique cancer du sein dans ma famille et j’étais très alerte de tout ce qui est bosse ou masse dans les seins, mais quand même pas assez.

Je pense qu’internet fait partie de ma génération lorsqu’on a des questionnements : on fait des recherches en ligne. Quand j’ai voulu en savoir plus sur le cancer du sein avant 30 ans, la majorité des informations que j’ai trouvé, c’est que c’est quasiment impossible. Alors quand j’ai pensé avoir des symptômes, je me suis rassurée en me disant que je suis beaucoup trop jeune et que je ne suis pas concernée.  

La première fois que j’ai senti une bosse dans mon sein, c’était en novembre 2020.  Au début, j’ai paniqué, mais pas assez apparemment, parce que ça m’a pris presque 6 mois avant d’aller consulter ! Ma mère a pourtant eu 2 cancers dans les deux seins, dont le dernier en 2019, et elle me poussait à aller voir un spécialiste. J’avais la conviction tellement omniprésente que c’est un cancer de « madame » que je retardais le moment. C’est seulement au bout de 6 mois que je me suis décidé à consulter. Comme je n’avais pas de médecin de famille, j’ai dû aller dans une clinique « sans rendez-vous ». On m’a dit qu’il n’y avait rien d’inquiétant et que c’était certainement bénin, de revenir dans 6 mois.

Juste avant mon deuxième rendez-vous, la bosse avait doublé de grosseur. En recherchant moi-même sur internet, je m’étais auto-diagnostiqué quelque chose de bénin. J’ai attendu mon suivi, et c’est là qu’on m’a référé pour une échographie mammaire.

J’ai par la suite fait ma première biopsie, fin novembre, et c’est cet examen qui a déterminé que j’avais un cancer. J’ai poussé pour avoir mon résultat le plus vite possible : l’hôpital m’avait donné un rendez-vous, mais j’en ai pris un autre dans ma clinique « sans rendez-vous » en sachant que mon médecin référent aurait les résultats. Je l’ai pris par surprise et il n’a pas eu d’autres choix que de m’annoncer le diagnostic.

Mes ganglions étaient vraiment gros, j’ai donc dû avoir une deuxième biopsie le 23 décembre. Ils ont aussi investigué sur ma génétique et c’est comme ça qu’on a appris que ma mère et moi sommes également porteuses du syndrome de Li-Fraumeni.

Je suis tombée des nues quand j’ai eu mon diagnostic de cancer du sein. Mon oncologue m’a informé qu’elle voyait défiler dans son bureau des femmes de plus en plus jeunes…J’ai tout de suite pensé qu’il fallait que plus de personnes soient au courant, et que je me devais de partager mon histoire.

Pour l’instant, selon comment se passe ma chimiothérapie, 8 semaines de traitement sont prévues avec ensuite une opération. Dans mon cas, la mastectomie partielle n’est pas possible et je vais devoir avoir une mastectomie bilatérale avec reconstruction mammaire immédiate. C’était ma première mauvaise nouvelle.

Dès que j’ai appris que la chimiothérapie pouvait provoquer une ménopause précoce, j’ai voulu être référée en fertilité pour faire prélever mes ovules. Le traitement a échoué. Ce fût le deuxième coup dur pour nous, car mon conjoint et moi souhaitions commencer une famille dans un avenir très rapproché.

La radiothérapie n’est pas au programme pour l’instant dans mon cas car, compte tenu de mon type de cancer, elle pourrait causer plus de mal que de bien. Je vais donc poursuivre avec un traitement hormonal pendant 5 ans, mais je ne veux pas attendre toutes ces années pour essayer d’avoir des enfants. Pour le moment, mon oncologue n’est pas fermé à l’idée de me traiter 2 ans en hormonothérapie, me permettre d’avoir un bébé, pour ensuite reprendre les traitements. Ce sont des choses dont on discute et qui me rassure.  

J’ai été mise en arrêt de travail le 12 décembre dernier. Je suis intervenante sociale, je travaillais avec des gens en situation d’itinérance.

Il y a eu beaucoup de moments d’adaptation avec mon conjoint. Je ne pensais pas que ça allait autant perturber notre vie quotidienne. On doit apprendre à mieux communiquer. Je pensais vivre mon cancer de mon côté mais les répercussions sur les autres sont très grandes. Je n’avais pas réalisé à quel point tout le monde en serait affecté.

Ma mère est déjà passée par là et c’est comme ma meilleure amie, elle me supporte du mieux qu’elle peut. Je réalise en même temps que la vie continue pour tout le monde : ils vont travailler, ont des enfants, des engagements… Je me sens sur pause, comme à côté de la vie en ce moment : la solitude est grande. Je suis une personne super sociable alors j’ai trouvé un groupe de soutien sur les réseaux sociaux qui m’a fait rencontrer une jeune femme de mon âge qui a vécu la même chose. Le plus curieux dans tout ça, c’est qu’on a la même profession, on vient de la même ville et on a été traitées dans le même hôpital. Le bien que ça m’a fait de la rencontrer, et qu’on puisse échanger sur notre réalité, c’est fou. Le cancer à 25 ans, ce n’est pas la même chose qu’à 50.

Comme quoi les réseaux sociaux, ça peut aussi amener du bon dans la vie ! Cette femme, c’est comme un ange mis sur ma route. Honnêtement, je me sentais hors-norme, comme un extra-terrestre d’avoir cette maladie-là. De fil en aiguille, j’ai été en contact avec d’autre personnes qui ont vécu la même chose, et qui sont passées au travers. Même si j’avais ma mère qui me comprenait, j’avais un besoin important d’en parler avec de nouvelles personnes car ayant eu son cancer après nous avoir eu mon frère et moi, je me reconnaissais moins dans ce vécu-là.

Je le répète encore, mais mon plus grand choc a été d’apprendre qu’un cancer du sein à mon âge, c’est possible. Je me disais tellement : « Je commence dans la vie, c’est impossible ». Mes amis à qui je l’annonçais avaient tous la même réaction : « Ça se peut ? ».

Concernant mon suivi, je n’ai rien à dire dessus, il est parfait. Mon infirmière pivot me rappelle le jour-même si j’ai des questions. Comme je souffre aussi de troubles de panique et d’agoraphobie, on m’a mise en priorité pour un suivi psychologique. Le diagnostic de mon cancer a exacerbé mon trouble de panique et ça été un coup dur sur tout le cheminement que j’avais déjà fait.

La chimio, c’est dur sur le physique et le mental ; tu deviens hyper vigilante de tes sensations physiques et c’est épuisant pour la tête. J’en suis à mon troisième traitement, il est prévu toutes les deux semaines et a lieu les vendredis. À cause de ce dernier, je suis affaiblie du vendredi au mercredi et la deuxième semaine, je suis épuisée mentalement de la semaine que je viens de vivre, puis ça recommence. Aussi, je suis devenue hypersensible. J’écoute un film dans lequel un animal meurt et je peux pleurer pendant une heure.

L’observation des seins, je savais que ça existait. Je connaissais, mais je ne pensais pas que j’étais concernée. Le médecin que j’ai vu la première fois au tout début de mes symptômes ne m’a même pas dit que c’était une possibilité, d’avoir un cancer à mon âge. En plus, en me disant qu’il allait me revoir dans 6 mois, pour moi c’était la preuve que c’était impossible.

C’est important pour moi de faire passer ce message : faire l’observation des seins de temps en temps, ça peut sauver votre vie.

Entrevue réalisée par Martine Côté, 1er mars 2022