Témoignage de Bianka Tringle, diagnostiquée à 31 ans d’un cancer du sein métastatique 

Share on

Témoignage de Bianka Tringle, diagnostiquée à 31 ans d'un cancer du sein métastatique 

Les premiers symptômes sont arrivés du jour au lendemain, au début du mois de juin : je venais d’accoucher de mon deuxième enfant.  Mon fils avait 3 semaines quand j’ai trouvé une très grosse masse dans mon sein gauche, elle était de la même taille qu’une clémentine. J’allaitais, et j’étais naturellement portée à plus les observer que d’habitude. Comme ma grande fille m’avait donné un coup de pied sur le sein par accident quelques nuits auparavant, je me suis dit que c’était peut-être relié à cet incident. Là où j’ai commencé à avoir des gros doutes est quand d’autres symptômes ont continué d’apparaître. La bosse continuait de grossir et était douloureuse, la texture de ma peau avait changé (impression de peau d’orange) et mon sein grossissait de jour en jour . Pour finir, mon mamelon s’était inversé, avait triplé de volume et changé de couleur. Tout ça est arrivé très rapidement. Lorsque j’ai touché la bosse pour la première fois, j’ai tout de suite pensé à un cancer. 

Entre l’apparition de la masse et la biopsie, il s’est écoulé presque 5 mois. J’allais souvent au sans rendez-vous, car j’étais très préoccupée. Tous les intervenants du domaine de la santé attribuaient mes symptômes à une mastite, y compris l’infirmière, qui m’a vue à mon rendez-vous de suivi un mois post-partum. On m’a prescrit deux fois des antibiotiques qui n’ont rien changé.  

Après l’épisode des antibiotiques, j’ai effectué des recherches et je suis tombée sur des témoignages de femmes qui avaient des cancers inflammatoires : je retrouvais exactement mes symptômes alors que les médecins me disaient que c’était certainement hormonal. Un de mes ganglions est ensuite devenu gros comme une balle.  

C’est seulement à ce moment-là que j’ai commencé à être prise au sérieux, quand mon ganglion sous le bras a enflé et a continué de grossir. On m’a fait une échographie et le radiologiste m’a dit : « Si ce n’était pas du fait que tu allaites, je t’enverrais en biopsie immédiatement.  On va attendre que tu arrêtes d’allaiter ». J’ai sevré mon bébé d’un mois et demi du jour au lendemain et j’ai commencé le tire-lait sans succès. Grâce à ça, j’ai pu passer d’autres échographies. Lors des examens, on m’a dit que ça ressemblait à une mastite, qu’ils ne détectaient pas de masse dangereuse, que je devais attendre et surveiller l’évolution.  

J’avais beaucoup de difficulté à voir ma médecin de famille. Lorsque j’ai enfin réussi à avoir un rendez-vous, elle était inquiète, mais m’a dit qu’elle ne pensait pas que c’était un cancer, car ce n’est pas censé faire mal. C’est le symptôme du mamelon inversé qui l’a convaincu de me faire une requête pour la clinique du sein de mon hôpital. L’hôpital a refusé la requête parce qu’elle ne venait pas d’un radiologiste. J’ai donc dû repasser une autre échographie : je commençais à être tannée de tous ces allers-retours. Enfin, le radiologue m’a fait une référence pour une biopsie. Je l’ai finalement passée le 5 octobre.  

J’écoutais ce qui se disait, quand ils m’ont fait l’échographie pour la biopsie. La médecin suspectait une mastite et a donc fait une ponction dans la masse pour aller chercher du pus. Lorsqu’elle a dit à haute voix à sa collègue (sur un ton inquiet), qu’il n’y en avait pas, j’étais certaine du diagnostic : c’était un cancer. J’ai aussi eu une biopsie aux ganglions et une mammographie. 

L’attente des résultats a pris trois semaines, mais dans mon esprit je savais déjà l’annonce qui allait tomber. Quand on m’a appelé pour me donner les résultats, on ne m’a pas dit que je pouvais être accompagnée. J’étais donc seule pour apprendre que j’avais un carcinome infiltrant HER2 positif et négatif aux récepteurs hormonaux. Rapidement, j’ai vu la chirurgienne puis l’oncologue. J’avais hâte que les traitements commencent enfin.  

Mes quatre premiers traitements de chimiothérapie étaient aux 3 semaines et mes 12 traitements de Taxol étaient une fois par semaine. Après tout ça, j’ai eu une mastectomie radicale du côté gauche, accompagnée d’un évidemment ganglionnaire. Je n’ai pas eu de reconstruction mammaire parce que dans ma situation ça représentait un très haut risque de récidive. 

La chimiothérapie a quand même bien été, mieux que je l’aurais cru : je marchais presque tous les jours. On a été chanceux dans notre malchance : je n’avais pas pris de congé parental parce que j’étais étudiante au BAC. C’est donc mon conjoint qui l’a pris et il restait à la maison avec moi. Ma grande fille avait 3 ans au moment du diagnostic, on lui a expliqué qu’il y avait un gros bobo dans mon sein et que les docteurs essayaient de me guérir.  

La radiothérapie devait commencer de façon imminente, mais il restait des cellules cancéreuses à la suite de ma mastectomie et je n’allais vraiment pas bien. Quelques jours avant qu’elle commence, je ne faisais que vomir et rien ne fonctionnait pour moi : je n’avais jamais été aussi mal. On m’a donc fait un scan. C’est là qu’on a découvert que les métastases étaient montées au cerveau. Mon cancer était devenu métastatique.  

Le fait que mon cancer soit inflammatoire impliquait un très haut risque de récidive, j’en avais conscience. L’annonce du cancer avait déjà été très difficile, mais là, on était ailleurs. On changeait la donne.  

Il fallait prévenir ma famille : ma grand-mère, mes parents, mes frères et sœurs… C’est surtout mon chum qui s’en est chargé, car je n’en étais pas capable. J’avais de l’enflure à la tête, alors on m’a donné du Décadron en très forte dose ce qui a fait désenfler, au bout de 2-3 jours. Le côté droit de mon visage était tout affaissé et je ne pouvais plus écrire, ni marcher. On m’a fait une radiographie pancérébrale et ils ont constaté que j’avais beaucoup de lésions au cerveau. À la réaction de mon oncologue, je crois que ça aurait changé beaucoup de choses si j’avais pu être diagnostiquée plus tôt.  

Parfois je repense à la période juste avant mon diagnostic : j’avais fait une dépression tellement le stress était grand. Au sans rendez-vous, alors que j’entrais dans le bureau de la médecin avec mon bébé dans sa poussette, elle m’a dit : « As-tu peur que ce soit un cancer? » en se mettant à rire. Elle m’a dit que si c’était le cas, je serais extrêmement malchanceuse. Elle m’a dit que j’étais hypocondriaque et m’a incité à commencer un suivi téléphonique avec une travailleuse sociale. Cette dernière a confirmé ce « diagnostic » d’hypocondrie et m’a donné des trucs pour gérer mon anxiété.  Je me souviens lui avoir dit : « Je n’ai pas peur du cancer, je sais que j’ai un cancer. J’ai peur qu’il devienne métastatique. » 

Nous sommes maintenant deux ans plus tard et ma vie est faite de hauts et de bas. Un stade 4, on prend ça au jour le jour. Je suis actuellement en traitements palliatifs : jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus de disponibles pour moi. J’ai eu un arrêt temporaire de chimiothérapie, car les métastases avaient disparu mais depuis, elles sont revenues. Je le sens que je suis maganée : je n’ai pas l’air d’une fille 33 ans. 

J’ai dû arrêter l’école : j’étudiais dans un domaine où j’avais besoin de ma tête très fonctionnelle alors j’ai abandonné ma formation. Je ressens les effets secondaires des médicaments : par exemple, je me sens au ralenti, je ressens aussi ce qu’on appelle le chemo brain. Marcher est parfois très difficile. J’ai moins de force dans les mains et le bégaiement qui s’installe.  

J’ai beaucoup d’espace pour en parler : mon Facebook est devenu mon journal intime. J’ai aussi beaucoup de soutien de la part de mon conjoint, j’ai beaucoup de chance de l’avoir. Je suis très fatiguée et je prends des siestes tous les jours depuis plusieurs mois. Sur les réseaux sociaux, j’ai joint le « Club stade 4 » de la Fondation cancer du sein du Québec et le groupe « Les Mets-et-or ». On se parle presque tous les jours. On comprend ce qui se passe dans la vie les unes des autres. Je fais aussi partie du groupe Facebook « Les petites roses » qui s’adresse aux femmes de moins de 40 ans avec un diagnostic de cancer du sein. Quand j’en parle à des personnes touchées par le cancer du sein, et qui n’ont pas un diagnostic de stade 4, je représente ce qui fait peur.  Toutes les personnes qui ont un cancer vivent avec la peur de la récidive.  

Jusqu’à tout récemment je ne voyais pas d’avenir : les métastases au cerveau ont un pronostic assez sombre. Je ne souhaitais pas faire de plan. Je me dis maintenant que peut-être il me reste quelques années. Je ne fais cependant pas de plans à long terme. On voulait peut-être partir avec les enfants en vacances cet hiver, mais je ne sais pas comment je vais aller cet hiver. Ce n’est pas évident de s’organiser, mais j’essaye de faire quelques petits projets.  

Je souhaitais témoigner pour dire qu’un cancer jeune : ça peut arriver. On m’a toujours dit qu’en bas de 40 ans, ça ne se peut pas. Surtout pas en allaitant.  Je suis la preuve que ce n’est pas vrai.