Témoignage Bella-Vanessa St-Laurent, diagnostiquée à 27 ans 

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Témoignage Bella-Vanessa St-Laurent, diagnostiquée à 27 ans 

Je m’appelle Bella-Vanessa St-Laurent et j’ai 28 ans. Je suis originaire de la Gaspésie mais j’habite à Québec depuis 8 ans déjà.  

C’est mon conjoint qui a senti la masse en premier en octobre 2021. Ça ne me stressait pas parce que j’avais déjà une bosse dans l’autre sein, qui avait été diagnostiqué comme un kyste (j’étais passée par tout le processus d’investigation). Je croyais que le même scénario se reproduisait dans mon autre sein. J’ai tout de même contacté ma médecin de famille, qui est toujours en Gaspésie, et elle a eu la même réaction que moi. Elle m’a dit que si j’observais un changement je devrais la rappeler.  

En janvier 2021, la masse avait grossit un peu et j’avais des effets physiques :  je me sentais plus fatiguée, j’avais des vertiges, le matin. Mon chum a insisté pour que je rappelle ma médecin. C’était pendant le gros confinement et le couvre-feu, lorsqu’on ne pouvait pas se déplacer entre les régions. 

J’ai parlé à la secrétaire qui jugeait que mon cas ne semblait pas assez urgent : elle m’a demandé de rappeler dans quelques mois, parce que ma médecin était surchargée. La secrétaire m’a suggéré d’aller consulter à l’urgence, si j’étais trop inquiète.  

En juin, la taille de la masse avait triplé en comparaison avec le mois d’octobre. Mon conjoint s’est fâché. Il m’a dit qu’il appellerait lui-même si on me refusait encore un rendez-vous.  

Quand j’ai finalement rappelé, j’ai appris que ma médecin partait en vacances. Cependant, pendant ce temps mes symptômes empiraient : je ressentais comme des chocs électriques près de la masse et de mon mamelon.  

Le 26 août 2021 j’avais enfin un rendez-vous avec ma médecin de famille, en Gaspésie.  Au fond de moi j’avais le sentiment que c’était un cancer. Mon père avait eu un cancer de l’œsophage, les 3 sœurs de ma grand-mère paternelle avaient eu un cancer du sein (ainsi que certaines de leurs filles), et ma grand-mère elle-même aussi, mais le sien avait récidivé en cancer des os. J’ai parlé de mon historique familial à ma médecin qui m’a dit que quand les cancers sont du côté paternel, il est rare que cela se rende à la petite fille. Ça ne l’inquiétait pas, mais juste pour me rassurer, elle m’a prescrit une mammographie et une échographie mammaire, ainsi que des tests pour la glande thyroïde et le diabète.  

Elle a transféré mon dossier à Québec, dans une clinique spécialisée. Mais j’ai pris du temps pour prendre mon rendez-vous car mon chien est décédé entre temps.  

C’est le 21 septembre, que j’ai finalement eu mes rendez-vous. Ma mère est montée jusqu’à Québec depuis la Gaspésie pour venir me tenir compagnie. Elle ne pouvait pas être dans la salle, mais je la savais dans l’hôpital. 

La radiologiste voulait faire une biopsie également, mais comme cela impliquait que je ne fasse plus d’efforts physiques pour le reste de la semaine, j’ai dû repousser cela à quelques jours plus tard. Je suis massothérapeute, et j’avais beaucoup de clients cette semaine-là, je ne voulais pas tous les annuler.   

J’ai demandé à la radiologiste : « Selon toi, est-ce grave ? ». Comme elle ne peut pas trop se prononcer, elle m’a uniquement dit : « C’est grave à 70% ». Ma mère voulait être positive et se raccrochait au 30% restant. 

Ça a pris 21 jours avant d’avoir les résultats : 21 jours pendant lesquels je m’accrochais à l’espoir que c’était autre chose. J’étais dans l’ambivalence tout le temps par rapport aux résultats, et je dormais à peine 2 à 3 heures par nuit. Je prenais des médicaments pour m’aider à me reposer, mais j’ai continué à travailler durant cette période. 

Après cette longue attente, c’est ma médecin de famille qui m’a appelé le 12 octobre pour me l’annoncer. Le diagnostic est tombé : j’avais un carcinome canalaire infiltrant stade 2 grade 2. 

Le 14 octobre, je rencontrais ma chirurgienne oncologue et une chirurgienne interne. Elles étaient heureuses que ma médecin m’ait déjà annoncé la nouvelle. Elles m’expliquaient que lorsqu’elles doivent annoncer elles-mêmes la nouvelle, la plupart des patientes sont tellement choquées qu’elles ne peuvent plus être attentive aux explications concernant le plan de traitement.  

Pour ma part, on prévoyait 8 traitements de chimiothérapie, une mastectomie (bilatérale ou partielle), de la radiothérapie et peut-être une autre chimiothérapie par médicament, dépendamment de l’agressivité de la maladie.  

J’ai dû passer une deuxième biopsie, parce qu’on voulait savoir si mes ganglions étaient atteints. Finalement, les résultats sont tombés : une nouvelle masse était apparue entre temps. Ce qui impliquait qu’il fallait faire une autre biopsie, ainsi qu’une scintigraphie osseuse et une IRM. 

Ma chimiothérapie a commencé le 7 novembre, j’avais des rendez-vous aux deux semaines. Je n’ai pas eu l’effet tsunami en pleine face : je me sentais vraiment prête. J’avais hâte que les traitements commencent et qu’on m’enlève les tumeurs. À mes yeux, la maladie ne m’appartenait pas. C’était comme si ce n’était pas « mon cancer » et que je voulais le chasser.  

J’ai continué à masser mes clients à temps partiel pendant mes traitements de chimiothérapie, car comme j’étais travailleuse autonome cela me causait des problèmes financiers de m’arrêter. J’ai aussi continué à m’entrainer. Avant ma maladie, je faisais du CrossFit cinq fois par semaine. J’ai quand même réussi à continuer à raison de 2 ou 3 fois, et j’en suis très fière quand j’y repense aujourd’hui.  

Ma chirurgie était supposée être le 21 mars, mais j’ai testé positif à la COVID juste avant le rendez-vous. Elle a donc dû être reportée 6 semaines plus tard. C’est donc en avril que j’ai eu une mastectomie bilatérale, avec reconstruction par extenseurs temporaires. J’avais testé positif au test du gène BRCA2.  

Mes ganglions sentinelles ont été retirés lors d’une deuxième chirurgie, car certains avaient été retirés lors de la première chirurgie pour être testés, et ils étaient positifs. 

J’ai ensuite commencé 15 traitements de radiothérapie, qui se sont super bien passés. Dans mon cas, j’ai trouvé ça plus facile que la chimiothérapie. Je redécouvrais la Bella que j’étais avant. Ma peau n’a pas brûlée et est restée super belle. Comme je suis thérapeute dans la vie, j’étais très assidue et je faisais tous les exercices qu’on me prescrivait. Je me crémais aussi trois fois par jour.  

La prochaine étape pour moi, c’est la pose de mes seins finaux et le retrait des extenseurs. Comme la radiothérapie abime les tissus, on doit attendre un bon neuf mois. 

Je suis ménopausée de façon artificielle car dans mon cas, c’est une arme de plus pour prévenir une récidive. C’était ma première expérience avec de l’hormonothérapie, et le premier mois a été plus difficile que tous les autres traitements que j’avais reçu : je croyais que je faisais une récidive. L’oncologue m’a expliquée que mes hormones de femmes combattaient les médicaments. Ce qui demande beaucoup d’énergie au corps. Le deuxième mois cependant, mon énergie est revenue.  

Je devrai être maintenue en ménopause de cette façon au moins 5 ans, et mon oncologue préconise entre 5 et 10 ans. J’aimerais avoir un enfant un jour, alors après ces 5 ans, je verrai ce que je fais. Normalement, on aurait fait des traitements de fertilité avant de débuter la chimiothérapie, mais ce n’était pas possible dans mon cas puisque la masse avait doublé de volume en quelques semaines. Cela aurait été trop risqué pour ma santé. Avec tout ce qu’on a fait comme traitement, je me retrouve maintenant avec le même risque qu’une personne normale de développer un cancer.  

Je n’ai pas ressenti le besoin de consulter une travailleuse sociale ou un psychologue parce que je parle ouvertement de ma maladie et de mon parcours à tout le monde : j’ai partagé mon quotidien sur mes réseaux sociaux. Je crois que le fait d’en parler ouvertement, de continuer à travailler et m’entrainer m’a aidé. Comme j’ai pris soin de mon père quand il a eu son cancer de la gorge, je savais un peu dans quoi je m’embarquais et j’avais espoir que ça l’aille bien.   

Ma clientèle a bien réagi, la plupart a continué à venir me voir pour m’encourager. Je connais mes clients, leur quotidien, ils étaient attachés à moi et vice-versa. 

Mes amies m’ont fait une levée de fonds pour m’aider car quand j’ai reçu mon diagnostique, on venait de faire une offre d’achat sur une maison avec mon chum. D’ailleurs, mon copain a été extraordinaire. Je n’aurais pas pu avoir meilleure personne que lui à mes côtés. Il est venu avec moi à tous mes rendez-vous. Il est militaire et a expliqué la situation à ses supérieurs qui ont été très compréhensifs. Il ne sera pas déployé avant 2023 pour être près de moi. Dans les moments plus difficiles, il m’encourageait, me disait que j’étais belle. Je pense que ça a solidifié notre relation.  

Ma mère aussi a été très présente et venait à la maison les fins de semaines qui suivaient mes traitements.   

Je voulais témoigner parce que partout autour de moi, personne ne croyait que je pouvais avoir un cancer. Même ma médecin de famille ! Tout le monde a touché à ma masse avant la médecin : mes cousines, mes tantes. Toutes me disaient qu’un cancer était improbable. Quand on est jeune, on n’est pas prise au sérieux.  

Je veux aussi montrer que c’est possible d’avoir une vie « normale », avant et après les traitements. J’ai continué ma vie, et c’est ce qui a fait la différence pour moi. Ça m’a aidé à rester forte.