Témoignage d’Annick Morin, diagnostiquée à 30 ans 

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Témoignage d’Annick Morin, diagnostiquée à 30 ans 

En mai 2012, j’ai découvert une bosse à mon sein droit. Ça n’était pas douloureux du tout. J’ai appelé ma mère pour lui en parler, je me souviens lui dire que je n’irais pas consulter car il n’y avait aucune chance que j’aie un cancer à mon âge… Ma mère n’a pas eu la même réaction que moi : elle m’a dit de prendre rendez-vous le plus vite possible avec mon médecin de famille. Ma tante (sa sœur) ayant déjà eu un cancer du sein il y a 30 ans, elle ne prenait pas ce symptôme à la légère.  

Je suis donc allée consulter mon médecin. Il ne voulait pas prendre de chance : il a transféré mon dossier à Rivière-du-Loup pour que je puisse passer une échographie. J’ai attendu 3 semaines avant mon rendez-vous. Pendant l’attente, j’étais dans le questionnement mais je n’avais pas vraiment peur, le cancer ne me paraissait pas possible.  

Je suis donc allée au rendez-vous toute seule, convaincue que c’était un kyste ou autre chose de bénin. Durant l’échographie, la radiologue m’a dit qu’elle devait me faire une biopsie le jour-même. À ce moment-là, j’ai senti que c’était peut-être en train de prendre une nouvelle tournure… Je m’en souviens comme si c’était hier.  

La semaine suivante, j’étais au travail quand la secrétaire de mon médecin de famille m’a appelée pour me demander de voir mon médecin sur-le-champ. Je n’ai pas été capable d’y aller tout de suite, j’ai quitté le travail et je suis retournée chez moi. Le lendemain, j’y suis allée. 

Lors du rendez-vous, je sentais que mon médecin était très mal à l’aise. Quand il m’a finalement annoncé que j’avais un cancer du sein, j’ai éclaté en larmes : c’était plus fort que moi. Il m’a indiqué que le reste du suivi allait se faire avec l’équipe de l’hôpital de Rivière du Loup.  

C’est là-bas que j’ai rencontré mon chirurgien.  Après examen, il m’a annoncé que l’on devrait commencer le protocole de traitement par une opération : moins d’une semaine plus tard, j’avais une mastectomie partielle et on m’enlevait les ganglions pour les analyser. J’ai aussi passé les tests afin de savoir s’il s’agissait d’un cancer génétique : ce n’était pas le cas. 

Un mois après l’opération, j’ai commencé mes traitements de chimiothérapie à raison d’une séance aux trois semaines. Mentalement, ça n’allait pas du tout. À l’époque, j’étais mère monoparentale avec un enfant de deux ans et demi et je me souviens que je me répétais souvent : « Pourquoi moi? Qu’ai-je fait pour mériter ça? ». Heureusement, j’ai eu du soutien psychologique rapidement après mon diagnostic, avec une travailleuse sociale. J’ai aussi pu compter sur le soutien de ma mère. Ça m’a beaucoup aidé même si je portais une grande colère qui ne m’a pas encore quittée, 10 ans plus tard. Je consulte encore pour ça.  

Mon fils quant à lui, savait que j’étais malade, mais il était si petit qu’il ne réalisait pas l’ampleur mon état de santé. Aujourd’hui, il ne s’en souvient même pas.  

Dans les nombreux défis que le cancer du sein amène, j’ai trouvé très confrontant de voir mon corps changer autant. Je fumais à l’époque : j’ai arrêté dès que j’ai su que j’avais un cancer, pour mettre toutes les chances de mon bord.  À ce moment-là, j’ai aussi commencé la prise de cortisone, ce qui a fait que j’ai pris environ 60 livres. Puisque la cortisone fait enfler, je ne me reconnaissais pas : j’avais le visage rond comme une lune. Je sentais que quelque chose avait pris complètement possession de mon corps sans que je le veuille. 

Mais ce qui m’a le plus affecté demeure quand même la perte de mes beaux cheveux longs et frisés. On n’y pense pas toujours, mais il y a aussi les cils et les sourcils qui tombent. Ça a été un vrai choc.   

J’ai arrêté de travailler rapidement après mon diagnostic, car dans mon cas tout a déboulé très vite. Heureusement, j’avais des assurances qui m’ont aidé durant ma période d’invalidité.   

Pendant les traitements de chimiothérapie, la fatigue était très intense : je mettais une semaine complète à me remettre d’une séance, sans être fonctionnelle du tout. Ma mère m’aidait beaucoup, et ma gardienne de l’époque s’occupait de mon fils les fins de semaine. Par la suite, j’ai dû avoir des traitements de radiothérapie qui ont duré du lundi au vendredi, pendant un mois. Je devais aller à Rimouski pour les faire. C’était 40 minutes de route aller, et la même chose au retour. Tous les jours. En plus, ces séances étaient vraiment dures : ça brûlaient et décoloraient ma peau, mes aisselles étaient toutes noircies. Pendant cette période, j’ai eu les résultats de l’analyse de mes ganglions. Les nouvelles étaient bonnes, aucuns n’étaient atteints. Dans tout ça, il y a eu du beau tout de même : j’ai développé une belle amitié avec une des infirmières en oncologie. Encore aujourd’hui, on se voit souvent.  

Quand la radiothérapie a été terminée, je me suis reposée pendant un mois. Le médecin m’a ensuite prescrit un retour au travail progressif mais la progression a été plus lente que prévu, j’étais fatiguée à rien.  

J’ai encore peur d’une récidive, même après 10 ans. Les premières années, j’étais suivie aux 6 mois environ et depuis deux ans, j’ai un suivi annuel. D’ailleurs, il approche à grands pas et ça me stresse. Heureusement, je n’ai pas à attendre longtemps pour avoir les résultats.  

Il y a 10 ans, je n’étais pas sur les réseaux sociaux, alors je n’ai jamais fait partie de groupe de femmes ayant le cancer du sein comme Parlons cancer du sein. Mais je crois que j’aurais vraiment aimé ça. Je pense que pour passer à travers une épreuve comme le cancer, il ne faut pas hésiter à consulter et à se confier. C’est normal de passer par toute la gamme des émotions.  

En 2014, j’ai rencontré mon nouveau conjoint et nous avons eu deux filles, pendant ma période de rémission, qui ont aujourd’hui 3 et 7 ans. Ça été un bonheur et un soulagement car je n’étais pas sûr que mon corps serait capable, après cette immense épreuve.  

J’ai eu envie de partager mon histoire, car je veux faire passer le message que ce ne sont pas juste les femmes de plus de 50 ans qui sont à risques. J’avais 30 ans, et j’ai été diagnostiquée.