Le premier, puis celui de stade 4
« Octobre 2015, je reviens chez moi après une belle journée de travail. Je me souviens très bien de ce moment, il revient souvent dans ma mémoire lorsque je n’y prends pas garde ! Je suis au volant et quand je change de vitesse, j’ai une douleur qui descend de l’épaule au thorax. Je mets ça sur le compte d’une chute sur un chantier arrivée 8 mois plus tôt. Chaque fois que cette douleur revient, une petite voix me dit « va voir le médecin ce n’est pas normal. C’est peut-être autre chose, tu as des kystes dans le sein droit, tu devrais vérifier ». L’automne passe, l’hiver s’installe et je me décide à consulter mon médecin de famille. Une visite de routine pour mes 50 ans. Il m’envoie faire une radiographie pour vérifier mes côtes (la fameuse chute) et une échographie des seins pour vérifier les kystes.
« Octobre 2015, je reviens chez moi après une belle journée de travail. Je me souviens très bien de ce moment, il revient souvent dans ma mémoire lorsque je n’y prends pas garde ! Je suis au volant et quand je change de vitesse, j’ai une douleur qui descend de l’épaule au thorax. Je mets ça sur le compte d’une chute sur un chantier arrivée 8 mois plus tôt. Chaque fois que cette douleur revient, une petite voix me dit « va voir le médecin ce n’est pas normal. C’est peut-être autre chose, tu as des kystes dans le sein droit, tu devrais vérifier ». L’automne passe, l’hiver s’installe et je me décide à consulter mon médecin de famille. Une visite de routine pour mes 50 ans. Il m’envoie faire une radiographie pour vérifier mes côtes (la fameuse chute) et une échographie des seins pour vérifier les kystes.
Le 6 janvier 2016, il me convoque à son bureau avec mon conjoint. Cancer du sein, le sein droit présente trois tumeurs stade 2 et 3, plusieurs ganglions sont attaqués. Il s’en suit une batterie de tests pré-intervention chirurgicale dont mon cerveau a volontairement oublié les résultats, les séquences, les dates, etc.
Janvier et février 2016 sont des mois nébuleux dans ma tête. L’annonce de la maladie à mes enfants, ma culpabilité et la tristesse qui ont suivi à quelques semaines du mariage de ma fille. Je me souviens des paroles réconfortantes de mes proches et de la petite voix qui me dit « Geneviève, la vie continue. Tu dois résister, garder le cap et le sourire, finir les demandes de financement de recherche et être au top à la fin du printemps ».
Le 27 février 2016, nous fêtons les nouveaux mariés sous la neige. Le 3 mars à 7h00, je traverse les portes de la salle d’opération avec ma chemise d’hôpital bleue. À ce moment, la chirurgienne me demande ma décision finale sur une éventuelle reconstruction. Je lui répète ma décision, aucune reconstruction. Je serais une amazone; il était hors de question que je retourne à l’hôpital pour d’autres chirurgies. Le printemps se pointait le bout du nez et j’avais des projets de recherche à réaliser et une foule d’activités prévues. Ma tête n’avait pas voulu enregistrer qu’à la suite de la chirurgie, il y avait la chimiothérapie et la radiothérapie.
L’été 2016 fut pénible, un temps rempli de frustrations que ce soit pour les activités familiales, personnelles ou professionnelles. Entre deux chimios, je visitais mes collègues, j’essayais de faire du canot, du kayak, du vélo, mais rien n’était comme avant… Frustrée et malheureuse, je pleurais ma vie assise dans mon Jeep face à la rivière. Mon camion était ce qui me liait à ma vie d’avant…
En octobre 2016, je reprends vie. Plus de chimio, plus de radio, un léger lymphœdème me demande de porter un manchon lorsque je travaille ou fais du sport. Je suis sur l’hormonothérapie, la vie est belle. Psychologiquement, je suis abimée. Je dors très peu, je suis sur la défensive, mon cerveau fait des scénarios et je suis malade quand je dois me rendre me rendre à l’hôpital pour mes suivis. L’infirmière pivot me suggère de rencontrer la psychologue du service d’oncologie. Syndrome post-traumatique. Je n’y crois pas, mais j’entame une thérapie. Les gros nuages gris s’estompent et une vie presque comme avant s’installe au printemps 2017.
Ce fut de courte durée. Le 5 avril 2019, les résultats des examens de suivi annoncent une récidive. Des métastases se sont installées sur les os de la colonne, du bassin, les os longs des jambes, les côtes. Je reçois la nouvelle de mon nouveau médecin de famille. Il m’annonce aussi qu’il me reste probablement moins d’un an à vivre et m’explique les soins de fin de vie. Je n’écoute pas et je n’entends pas. Je ne me souviens même pas de la fin du rendez-vous. Nous passons une semaine de crise à la maison. J’ai rendez-vous avec l’oncologue huit jours après cette mauvaise nouvelle. Commence alors une série de protocoles, hormonothérapie et chimiothérapie, qui me permettent d’être encore là aujourd’hui malgré l’avancée de métastases au foie.
Cette fois-ci, j’ai décidé d’écouter rapidement ma petite voix. J’ai maintenant un tableau dessiné sur le mur de mon bureau à la maison. On y voit trois tiroirs, le premier pour les scénarios qui ne servent à rien et qui n’apportent aucune réponse. Le deuxième pour les projets à court terme et le troisième pour les vecteurs de stress. J’ai repris mon suivi en psychologie pour lutter contre le syndrome de la blouse blanche. Je veux être capable d’aller à l’hôpital pour les traitements et les prises de sang sans y penser tout le temps, pleurer et anticiper les problèmes… un traitement par semaine ça revient vite au calendrier ! Le temps en famille et avec mes amis est prioritaire. Je continue de travailler parce que mon job me passionne, mais à mon rythme. J’ai mis les items performance, perfection et compétition dans le tiroir numéro 3.
Quand je ne maîtrise plus la situation, ma petite voix me dit « Geneviève, tu dois accorder 10% de ton temps à penser et gérer ton cancer et 90% à profiter de la vie… Va faire un tour en jeep 😉 »
-Geneviève Treyvaud, 55 ans, archéologue