Mon histoire avec le cancer du sein :

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Karine Desrosiers

Sensibiliser TOUTES les femmes

J’ai longtemps hésité avant d’écrire ce qui suit, car c’est très personnel et souvent je pense que mon histoire est sans importance. De plus, j’étais incertaine à annoncer mon cancer sur les réseaux sociaux. Je n’avais pas le goût d’exposer mes problèmes publiquement et surtout, je ne voulais pas de la pitié des gens. Leurs regards envers une femme malade. L’écrire voulait aussi dire que cela allait devenir concret pour moi. J’ai finalement, décidé de le faire pour une seule et unique raison : moi, j’étais mal informée à propos du cancer du sein et peut-être que l’une d’entre vous l’est également. Donc, si je vous partage mon histoire, aujourd’hui, c’est pour sensibiliser TOUTES les femmes, vos mères, vos sœurs, vos filles, vos nièces, vos amies, vos amoureuses, vos collègues d’aller faire leur mammographie chaque année. Et de vous examiner régulièrement dans un miroir. On pense toujours que c’est pour les autres cette vilaine bête.

Moi je n’avais aucun antécédent de cancer du sein dans ma famille et pourtant… 31 ans, cancer du sein ! Un coup de masse en pleine face. Bouleversement total, mon monde s’est écroulé, s’est effondré. Le temps s’est arrêté et ma vie a basculé. La peur a envahi mon âme, mon corps, mon esprit et mon cœur. La maladie, le foutu mot “cancer”, il est terrifiant. Bref, l’annonce de mon cancer du sein est tombée comme une bombe. Jamais je n’aurais pensé être touchée par cette maladie. Peu importe l’âge, le cancer frappe fort pour la personne touchée et son entourage. À 31 ans, ce sont mes rêves et mes projets que j’ai vus s’envoler en fumée. Mettre tout sur pause pour une période indéterminée est extrêmement difficile à accepter.

J’ai certainement vécu la période la plus traumatisante de toute mon existence dans la dernière année. Moi qui pensais avoir eu mon lot d’épreuves, eh bien non. Si je devais conserver un seul mot pour définir les derniers mois, cela serait certainement «combat».

Lors de l’annonce du diagnostic, mon médecin me parle de calcifications, de stade, de biopsie et d’éventuelle chirurgie. Je ne comprends pas, mes oreilles bourdonnent et j’ai le vertige. Le reste de la journée, j’ignore si j’incarnais encore mon corps… Par la suite, tout s’est fait très vite, ce fut la biopsie, 2e biopsie, qui a échoué, ensuite une mastectomie partielle pour prélever ce morceau de moi qui inquiétait et mes ganglions qui seraient envoyés en pathologie.

J’ai alors l’impression de perdre le contrôle sur mon corps et sur ma vie… C’est une adaptation difficile et des deuils à faire. C’est se sentir extrêmement seule par moment même si l’on est bien entourée. C’est de prononcer CE mot en sachant que l’on brise le cœur de ceux qu’on aime le plus au monde et d’apprendre à respecter leurs réactions, parce qu’elles sont toutes différentes d’une personne à l’autre. Parfois sans mots, surpris, mais reste que c’est violent comme nouvelle. Pour certains, cela a été la fuite et je les comprends tellement. Moi, je n’ai pas eu le choix d’y faire face même si, par moment, je refusais de toutes mes forces le diagnostic et les traitements. Dieu merci, je n’étais pas seule dans ce calvaire.

Malgré tout, il y a de la beauté derrière cette noirceur. En me poussant dans mes limites et mes retranchements, elle m’aura poussée à essayer de me reconnecter et à établir mes priorités. En 2020, j’ai appris la peur et la solitude. Celles, vous savez, qui vous collent au ventre, vous empêchent de dormir et serrent le cœur des jours durant. Le profond sentiment de solitude et/ou de vide. Des côtés positifs, oui, il y en a. Comme ma relation avec mon père qui s’est renforcée. J’ai observé le ciel, le soleil et les étoiles. J’ai écrit à quelques reprises. J’ai découvert des chemins inexplorés.

Et je me suis accrochée tant bien que mal. Le plus difficile a été la perte de cheveux, que je redoutais tellement, Et aussi la période de l’après-traitement. En peu de temps votre corps est transformé, mis à rude épreuve. Sein, cheveux, poils, peau… rien n’est épargné ! Et la reconstruction d’un nouveau corps est très longue. L’opération qui mutile votre corps et ensuite les traitements, chimiothérapie et radiothérapie qui l’achèvent. Je travaille encore très fort pour retrouver ma féminité et mon énergie d’avant. J’ai compris que cela prend du temps. Il fallait que mes cheveux, mes cils et mes sourcils repoussent pour que je me sente à nouveau bien dans mon corps. Il fallait que je digère ce que j’avais traversé parce que tout a déboulé si rapidement. La reconquête de son corps et de sa sexualité suite à la perte d’une partie de nous-mêmes. Les excès dans lesquels je me suis réfugiée après la chimio, comme pour narguer d’un même doigt d’honneur la maladie et la mort. Le plus dur présentement est la peur de la récidive. De plus, je travaille fort sur l’acceptation de ma prise de médications : hormonothérapie pour 10 ans qui m’occasionne beaucoup d’effets secondaires.

Combattante. Bah… À mon avis, Je n’ai rien combattu. J’ai seulement fait ce qui, selon moi, devait être fait et j’ai essayé de suivre la vague du mieux que j’ai pu. Cela a été également un moment très difficile pour mon couple. Cette épreuve a révélé les failles de celui-ci. Par contre, nous avons traversé tant de choses lui et moi que je suis confiante pour la suite. Nous apprenons à vivre l’après-cancer.

Dès le début, j’aurais aimé être plus informée, plus en détail, de mon type de cancer et de ce que cela allait impliquer dans ma vie à partir de maintenant et au quotidien. Offrir un accompagnement psychologique d’emblée au patient. Et être informée des différents organismes et fondations pour recevoir de l’aide morale, psychologique et parfois même physique. Enfin, l’après-maladie n’est pas évidente à gérer, car nous gardons forcément des traces physiques et psychologiques, or, la fatigue accumulée nous rend souvent plus faible et plus vulnérable.

– Karine Desrosiers