Cette année, le Forum Santé des seins s’est penché sur la progression de la maladie et les risques de récidive, avec un objectif clair : mieux comprendre pour mieux prévenir.
Des expert.e.s du Québec ont présenté les dernières avancées scientifiques, cliniques et humaines, qui permettent de mieux cerner les facteurs de risque, de prévenir de l’évolution du cancer du sein, et de personnaliser les approches de suivi et de traitement.
Voici 5 faits saillants à retenir de cette 9e édition.

1. Résistance à la chimiothérapie dans le cancer du sein triple négatif métastatique
Saviez-vous que toutes les tumeurs ne sont pas égales face au système immunitaire ? On parle de tumeurs « chaudes » lorsque de nombreuses cellules immunitaires sont présentes dans la tumeur, ce qui est souvent un bon signe : ces tumeurs ont tendance à mieux répondre à certains traitements, comme l’immunothérapie ou la chimiothérapie. À l’inverse, les tumeurs dites « froides », peu infiltrées par les cellules immunitaires, sont généralement plus difficiles à traiter et sont associées à un moins bon pronostic. Le laboratoire de Morag Park au sein de l’Institut du cancer Rosalind et Morris Goodman, dans lequel travaille Sandrine Busque, doctorante, a récemment identifié une protéine spécifiquement présente dans ces tumeurs froides résistantes. En comprenant mieux le rôle de cette protéine, l’équipe de recherche espère pouvoir la convertir en cible thérapeutique, ou encore s’en servir comme indice pour orienter les choix de traitement. L’objectif : transformer des tumeurs « froides » en tumeurs « chaudes », plus sensibles aux traitements, et ainsi améliorer les chances de succès pour un plus grand nombre de personnes atteintes.
2. Comprendre et surmonter la résistance endocrine pour les cancers du sein hormonodépendants
La détection précoce du cancer du sein augmente considérablement les chances de rémission, particulièrement pour les cancers agressifs comme le CSTN. Une prise en charge rapide, c’est-à-dire aux premiers stades de la maladie, permet d’optimiser les traitements, d’améliorer la survie et la qualité de vie des personnes atteintes.
Pour détecter le cancer du sein le plus tôt possible, il importe de suivre les recommandations de dépistage. Il est également recommandé d’être vigilant face aux signes possibles de la maladie, afin de les signaler à un professionnel de la santé dans les meilleurs délais.
Les traitements d’hormonothérapie – qui bloquent les hormones responsables de la croissance des cellules cancéreuses – sont efficaces pour de nombreuses femmes atteintes d’un cancer du sein dit hormonodépendant. Toutefois, comme l’explique Sylvie Mader, professeure à l’Université de Montréal et chercheure à l’IRIC, la maladie peut parfois devenir moins sensible à ces traitements. On parle alors de résistance endocrine : malgré l’hormonothérapie, les cellules cancéreuses continuent de se développer.
Heureusement, la recherche progresse. Des études récentes ont permis d’identifier certains mécanismes à l’origine de cette résistance, comme des mutations dans les récepteurs hormonaux ou l’activation de voies de signalisation alternatives par la tumeur. Ces découvertes ont ouvert la voie à de nouveaux traitements ciblés, notamment les dégradeurs sélectifs des récepteurs aux oestrogènes (SERD). Contrairement à d’autres médicaments qui ne font que bloquer ces récepteurs, les SERD s’y lient pour ensuite les détruire.
D’autres options sont déjà disponibles et de plus en plus utilisées, comme les inhibiteurs de CDK4/6, ou ceux qui ciblent des voies spécifiques comme la voie PI3K/AKT/mTOR. L’objectif : contourner la résistance et redonner de l’efficacité aux traitements, afin d’offrir aux patientes de meilleures chances de contrôle à long terme de la maladie.
3. Mieux comprendre les cytokines pour prévenir la récidive du cancer du sein triple négatif
Et si notre système immunitaire pouvait nous aider à mieux prévenir les récidives du cancer du sein triple négatif (CSTN)? C’est la piste que l’équipe du Professeur Benoit Paquette, Professeur-Chercheur à l’Université de Sherbrooke, explore en s’intéressant aux cytokines, de petites protéines qui jouent un rôle clé dans la communication entre les cellules du système immunitaire. Certaines aident le corps à se défendre contre le cancer, tandis que d’autres peuvent, au contraire, favoriser sa progression. Les chercheurs ont découvert que la radiothérapie – un traitement couramment utilisé – peut influencer les taux de cytokines, en les augmentant ou en les diminuant. Or, une baisse des cytokines pro-cancéreuses pourraient renforcer le système immunitaire et être liée à un risque plus faible de récidive. En analysant des prises de sang avant et après les traitements, l’équipe de recherche a constaté que la radiothérapie n’affectait pas les cytokines des participantes de la même manière : la baisse des cytokines pro-cancéreuses semblait plus marquée chez les patientes qui prenaient certains anti-inflammatoires pendant la radiothérapie. Ces découvertes pourraient, à terme, permettre de mieux repérer les femmes à risque et d’adapter les traitements pour renforcer la défense immunitaire et prévenir les rechutes. L’objectif à long terme : personnaliser les traitements en fonction de la réponse immunitaire de chaque patiente pour mieux prévenir la récidive et freiner la progression vers des formes métastatiques du CSTN.
4. Les stratégies pour composer avec la crainte du retour de la maladie
Il est naturel d’avoir le coeur serré à l’idée d’une rechute ou d’une récidive du cancer du sein. Mais comment rester à l’écoute de son corps sans tomber dans l’hypervigilance? Josée Savard, psychologue, professeure et chercheure à l’Université Laval, a partagé plusieurs pistes concrètes pour aider les personnes à mieux composer avec la crainte du retour de la maladie. Elle a notamment expliqué comment la fuite ou l’évitement des pensées anxiogènes peut, au contraire, amplifier l’inquiétude. Elle propose plutôt des stratégies comme l’exposition graduelle aux pensées difficiles, qui aide à apprivoiser l’incertitude. Elle a aussi présenté des questions simples à se poser pour évaluer ses symptômes de manière réaliste : Est-ce que ce que je ressens est nouveau ? Est-ce intense ? Est-ce que ça persiste ?
Quelle est la probabilité que ce soit grave ? C’est la méthode NIPP (Nouveauté, Intensité, Persistance, Probabilité), un outil utile pour distinguer les symptômes qui nécessitent une attention médicale immédiate de ceux qui semblent bénins. Avec le temps, ces approches permettent de cultiver une vigilance saine, sans que la peur ne prenne toute la place.
En cas de doute, n’hésitez pas à consulter un professionnel de la santé. Par ailleurs, la Fondation cancer du sein du Québec offre gratuitement un service de soutien psychosocial, ainsi qu’un nouveau programme d’hypnose spécialement conçu pour aider les personnes atteintes à mieux vivre la période après les traitements.
Vous pouvez aussi appeler gratuitement la ligne d’écoute par les paires aidantes au 1 855-561-ROSE (7673) pour être orienté·e dans le système de santé.
5. Le nouveau programme d’accompagnement : le projet Continuum PAROLE-Onco
Mené par l’équipe de recherche de Marie-Pascale Pomey, Continuum PAROLE-Onco est un nouveau projet qui cherche à mieux accompagner les femmes touchées par le cancer du sein, du diagnostic jusqu’à la vie après les traitements. Cette initiative fait suite à PAROLE-Onco, où des patientes accompagnatrices soutiennent et guident les personnes qui ont reçu un diagnostic. Continuum souhaite aller encore plus loin : aider les femmes à se préparer à l’après-cancer, impliquer davantage les professionnels de la santé de première ligne dès le début du parcours, pour assurer une meilleure continuité des soins et un transfert plus fluide après les traitements. Grâce aux données de plusieurs hôpitaux, l’équipe veut aussi adapter l’accompagnement selon le profil de chaque patiente. L’objectif ? Personnaliser la trajectoire de soins en oncologie, tout en optimisant les ressources du système de santé.