J’ai été diagnostiquée avec un cancer du sein hormonodépendant, avec ganglions axillaires atteints également.
J’ai senti la masse à mon sein moi-même la première fois. À l’époque, j’avais un bébé de 16 mois que j’allaitais toujours. Même enceinte, je sentais une petite boule dure à mon sein. J’en avais parlé à ma médecin de famille, mais elle n’était pas inquiète, en raison des hormones et des changements qui surviennent lors d’une grossesse.
Pourtant, la petite masse me restait en tête et m’agaçait chaque fois que je donnais le sein à mon bébé. La nuit, je tombais en mode « inquiétude » et les pensées tournaient dans ma tête. Je suis allée voir un autre médecin, au sans rendez- qui m’a prescrit une échographie du sein. Il a bien senti la bosse qui était de la grosseur d’un petit pois, mais très dure. C’était le deuxième bébé que j’allaitais, je connaissais très bien mes seins et je savais qu’il y avait quelque chose d’anormal.
J’ai été en attente de mars à juillet pour finalement passer mon échographie le 30 août. La radiologiste a trouvé un gros ganglion en se dirigeant vers l’aisselle. A partir de là, je suis entrée en mode, j’ai un cancer. Je suis infirmière, je suis capable de faire des liens. Il a comparé avec l’aisselle gauche et a vu la différence. Une fois qu’on me l’a dit, je l’ai ressenti aussi et me suis dit : « Mon dieu, c’est bien vrai. » Il m’a fait revenir pour une biopsie aux deux sites : sein et ganglion. La semaine suivante, j’ai eu les résultats par ma médecin de famille.
J’étais très bouleversée de l’annonce. J’ai eu un sentiment de colère envers ma médecin qui n’avait pas pris mon inquiétude au sérieux, des mois plus tôt. Je me disais qu’on aurait pu détecter le cancer avant. Je lui ai dit ce que j’avais sur le cœur.
Dans ma famille, il y a déjà eu un cancer au premier degré. On est trois filles et c’est la sœur de mon père qui a été touchée. Au début, je me demandais pourquoi moi, et pourquoi aussi jeune. Je venais de réaliser le plus beau rêve de ma vie : devenir maman et je trouvais ça épouvantable qu’on me gâche ces moments-là. Je suis sur la Côte Nord, à Port Cartier et suis seule par ici avec mon conjoint et mes enfants. Toute ma famille est à Québec. Heureusement, lorsque j’ai reçu mon diagnostic, j’étais à Québec auprès de toute ma famille. Nous avons pleuré ensemble, j’ai senti leur soutien et ça m’a aidée.
J’appréhendais le fait qu’ils soient si loin et je ne comprenais pas comment j’allais passer à travers cette épreuve sans eux. Finalement, même si ma famille est loin, je la sens très proche. Avec les réseaux sociaux et Facetime, je sais qu’ils sont très présents.
Mon conjoint a trouvé ça difficile surtout la période pendant laquelle j’ai dû passer tous les examens, avant de débuter les traitements. J’étais très anxieuse, j’avais peur qu’ils trouvent des métastases. Une fois que j’ai su que c’était localisé, ça m’a soulagée. Je me disais que je ne pouvais rien changer au fait que j’avais un cancer, mais que je devais me réjouir des bonnes nouvelles.
Le cancer ne correspond pas à la mort pour moi. Je continue de vivre comme j’ai toujours vécu. L’attitude de mon chum m’aide beaucoup : il est calme et n’anticipe pas vraiment, il me ramène au moment présent.
J’ai décidé que je ne resterais pas assise à penser juste à ma maladie. J’ai deux jeunes enfants de 3 ans et demi et un an et demi : ça me tient occupée. Mes enfants ont besoin de vivre leur vie d’enfants. Ma plus jeune ne se rend pas vraiment compte de ce qui se passe, même si elle est témoin de certains changements, par exemple ma perte de cheveux.
J’ai décidé de me raser les cheveux avant qu’ils ne tombent à cause de la chimiothérapie. J’avais l’impression de perdre ma féminité. J’y suis allée par étape. J’ai coupé graduellement et après mon deuxième traitement, j’ai rasé. Entretemps, j’ai essayé différentes coupes, je me suis fait une frange. Ma fille a fait le premier coup de clipper et mon neveu a continué. J’avais peur d’avoir l’air plus malade encore. J’ai une prothèse capillaire que je vais peut-être porter un jour, mais pour l’instant, non.
J’ai 6 mois de chimiothérapie à faire, et j’en suis à la moitié. Ma grande fille sait que sa maman est malade et va guérir. Elle en parle beaucoup, mais je n’ai pas vu de changements spécifiques dans son comportement. On répond à ses questions du mieux qu’on peut. La Fondation m’a suggéré un conte explicatif pour les enfants qui traite du cancer, et la maman guérit à la fin : ma fille le regarde souvent.
Bien sûr, Je n’ai pas la même énergie qu’avant. Je n’ai jamais fait de sieste et maintenant j’en fais une quotidiennement. Je m’attendais toutefois à pire. J’ai quand même la nausée facile, j’ai un peu de neuropathie qui s’est installée, mais on a ajusté les médicaments que je devais prendre : je ne suis pas non-fonctionnelle. Je continue de bouger, et j’ai une bonne forme physique : je prends mes marches, je cours deux fois semaine, je fais le programme de kinésiothérapie de la Fondation en ligne et ça me fait du bien. Je vois d’autres gens. Je me suis aussi inscrite à un cours de yoga pour apprendre à relaxer.
Mes traitements ont lieu à l’hôpital de Sept-Iles. Le trajet prend 40 minutes à l’aller et au retour, mais mon chum m’accompagne chaque semaine. Pour l’instant j’ai de bonnes nouvelles puisque je réponds bien à la chimiothérapie.
La prochaine étape sera la mastectomie totale du sein droit : comme il est rempli de microcalcifications. Ce sont des cellules pré-cancéreuses, alors on ne peut pas laisser ça là. Il faut les retirer et les analyser. Mon ganglion doit aussi être retiré : cette chirurgie aura lieu eu janvier 2023, après la chimiothérapie. On laisse guérir, et puis la radiothérapie commencera. Je vais devoir aller à Québec pour ça car ce n’est pas un service dispensé à Sept-Iles, mais heureusement toute ma famille s’y trouve.
La reconstruction immédiate du sein n’est pas possible dans mon cas puisqu’il est souhaitable de commencer la radiothérapie au plus vite. La reconstruction différée ne sera pas possible non plus à Sept-Iles, et devra être effectuée à Québec.
J’ai la chance d’avoir de bonnes assurances à mon travail. En ce qui concerne le soutien psychologique, quand j’ai vu l’infirmière en oncologie à Sept-Iles, j’ai manifesté mon envie d’avoir accès à une travailleuse sociale. On s’est vu deux fois et ça m’a fait du bien. J’ai aussi reçu un soutien énorme de ma famille et de mes sœurs. Comme une de mes sœurs est infirmière en oncologie : elle répond à mes questions. Je suis chanceuse. Mon autre sœur m’a fait cadeau de ce qu’elle a appelé la boite « réconfort » : elle est composée de 24 capsules, une pour chaque traitement, chacune d’entre elles renferme un mot d’un membre de ma famille ou d’un de mes amis. Je pige ce mot à la fin de mes traitements et ça me motive à y aller. C’est aussi une belle façon imagée pour ma grande fille de savoir combien de traitements il me reste. Elle pige avec moi. Les vendredis, Clara me dit : « Tu t’en vas te battre contre les mauvaises cellules. »
J’ai décidé que je me retroussais les manches et que je fonçais dans le tas. J’ai une forte envie de rester heureuse et de continuer à vivre. Je pense que chaque personne vit son cancer à sa façon, mais je suis contente d’arriver à rester positive et réussir à contrôler nos pensées. Si ma force dans cette épreuve peut booster d’autres personnes, j’en serais très heureuse.