5 questions à Dr. Antonio Vigano, médecin traitant du Programme de soins palliatifs et de soutien au Centre universitaire de santé McGill
Plus de 300 000 personnes consomment du cannabis médical au pays, selon Santé Canada. Dr. Antonio Vigano s’intéresse à cette approche complémentaire depuis 2016. Il a piloté entre autres le 1er projet de recherche en ce genre au Canada, qui s’est déroulé de janvier à août 2018. Dr. Antonio Vigano a présenté les premiers résultats de ses travaux au Forum de la Fondation cancer du sein du Québec, qui s’est tenu le 11 mai dernier.
Question : Pourquoi vous intéressez-vous au cannabis médical pour le traitement des personnes atteintes de cancer ?
Réponse : Comme médecin, mon objectif premier est d’améliorer la qualité de vie de mes patients. Le cannabis, avec ses propriétés, joue un rôle thérapeutique important pour les patients qui souffrent de douleurs et d’autres symptômes ayant une incidence considérable sur la qualité de vie : douleur, perte d’appétit, fatigue. Ce sont des exemples de symptômes qui ne sont pas toujours complètement soulagés par les traitements conventionnels. C’est pourquoi le cannabis complète ces approches traditionnelles.
Question: Quel type de patients peut recevoir une ordonnance de cannabis médical ?
Réponse : Tous types de patients peuvent recevoir cette prescription. La condition : que son médecin s’assure que les bienfaits thérapeutiques sur la santé du patient surpassent les effets indésirables potentiels et les risques. Peu importe le stade de la maladie, que le patient soit traité en soins palliatifs, qu’il soit en période de rémission, s’il souffre des conséquences de ses traitements, le patient peut en bénéficier.
Des patients qui reçoivent des traitements de chimiothérapie peuvent avoir des neuropathies périphériques. Ce sont des problèmes très communs qui encore aujourd’hui ne sont pas gérés de façon optimale par la médecine traditionnelle. Les cannabinoïdes synthétiques ou naturels semblent être une option à considérer pour ces patients qui souffrent de neuropathie. Ces types de produits sont aussi à considérer pour les patients qui reçoivent de l’hormonothérapie pendant plusieurs années. Ces personnes ont la sensation que leur corps a pris un important coup de vieux. Leurs articulations, os, muscles leurs font extrêmement mal. C’est semblable aux symptômes de fibromyalgie, un autre domaine dans lequel il n’y a pas beaucoup à offrir pour le traitement de la douleur.
L’élément clé est la supervision par un médecin ainsi que par une équipe multidisciplinaire. Il ne s’agit pas de seulement prescrire, mais il faut surveiller les effets du traitement dans le temps pour ainsi l’optimiser.
Question : Est-ce que tous les médecins, peu importe leur formation, peu importe leur spécialité, peuvent prescrire du cannabis médical à leurs patients?
Réponse : Tous les médecins peuvent prescrire du cannabis médical. Cependant, une formation est fortement recommandée. Il s’agit d’un autre type de médecine, très personnalisée, qui se doit d’être apprise. Il n’y a pas de doses spécifiques, de souches précises, de types de produits qui fonctionnent de la même façon pour tout le monde. Voilà pourquoi il est important d’avoir une formation théorique et pratique pour l’utilisation du cannabis dans une approche de médecine complémentaire. En tant que directeur de recherche chez Santé Cannabis, je conseille aux professionnels de la santé cet endroit pour obtenir des services spécialisés en cannabis à des fins médicales. Actuellement, le Règlement sur l’accès au cannabis médical donne le choix aux facultés de médecine au Québec d’intégrer ce type de formation.
Question : Quels sont les dangers liés à la consommation de cannabis médicale ?
Réponse : La sécurité des patients être notre priorité. Nous devons être prudents. C’est la même chose avec les médicaments traditionnels, si ce n’est pas contrôlé il peut y avoir plusieurs risques.
Tout d’abord, le médecin doit prendre connaissance des contre-indications de l’utilisation du cannabis médicale chez le patient : maladies cardiovasculaires, arythmie cardiaque, hypertension non-contrôlée, schizophrénie, femmes enceintes ou qui allaitent, maladie affective bipolaire, dépression majeure. D’autre part, il n’est pas approprié de prescrire du cannabis pour les jeunes de moins de 25 ans, les personnes présentant un risque ou ayant un historique de dépendance, les patients qui ont une insuffisance rénale ou hépatique (cirrhose du foie).
Enfin, le traitement doit toujours débuter avec le dosage le plus faible possible et les augmentations graduelles doivent être gérées avec précaution.
Question : Quelle est votre position concernant la légalisation du cannabis au Canada depuis le 17 octobre 2018?
Réponse : Voyons le positif. La légalisation du cannabis récréatif a permis d’affaiblir la levée de boucliers anti cannabis, ce qui rend l’accès plus facile pour les patients.
Cependant, je crois pertinemment que le cannabis peut être dangereux lorsque mal utilisé. Les objectifs de la consommation récréative sont très distincts de la consommation médicale et souvent il y a de la confusion entre ces deux types de consommation. Certaines problématiques qui peuvent être engendrées par la consommation récréatives (dépendance, tolérance) sont précisément celles que l’on souhaite éviter dans la consommation médicale. C’est une approche complètement différente.